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Pendant la nuit, il y eut une troupe d’enfants qui chantaient au dehors de la ville, et le vent apporta jusque sous la tente de Tong-Tcho leur chanson, dont voici les paroles :


« À la distance de cent milles, l’herbe est fraîche et verdoyante ;
« Mais dans dix jours elle ne poussera plus. »


Le ton de cette chanson était triste et plaintif. Tong-Tcho interrogea Ly-Sou. « Que veulent dire ces chants ! Sont-ils d’un présage heureux ou malheureux ? — Ils annoncent simplement que le nom de Liéou s’éteint et que celui de Tong va fleurir à sa place, répondit Ly-Sou. » Et l’usurpateur applaudit à cette interprétation.

Le lendemain matin, Tong-Tcho fit ranger ses troupes sur deux lignes, et entra dans la ville monté sur son char. Il aperçut un Tao-Ssé qui portait un manteau bleu et un bonnet d’étoffe blanche, et tenait dans sa main une longue perche d’où pendait une pièce de toile de dix pieds de long, sur laquelle était écrit en gros caractère le mot Liu. Il demanda à Ly-Sou ce que voulait dire cet homme. « C’est un fou, répondit Ly-Sou ; » et à ces mots il ordonna aux soldats de le faire éloigner. Le Tao-Ssé étant tombé par terre, Li-Sou le fit traîner au bord du chemin.

Comme Tong-Tcho entrait dans l’intérieur du palais, tous les magistrats vinrent à sa rencontre, vêtus de leurs habits de cérémonie. Ly-Sou, tenant dans sa main une épée d’un grand prix, marchait en soutenant le char. Quand on fut arrivé à la porte dite Pié-Yé-Men, toutes les troupes de Tong-Tcho restèrent en dehors, et il entra sur son char, accompagné seulement d’une vingtaine d’hommes. En voyant que Wan-Yun et ses amis gardaient, l’épée à la main, les portes du palais, il fut glacé de crainte et interrogea Ly-Sou. « Que veulent tous ces hommes armés ? » Ly-Sou ne répondit point.

Tout à coup les roues du char furent enlevées. « Le brigand est ici ! s’écria Wan-Yun ; où sont mes soldats ? »

Des deux côtés sortirent une centaine d’hommes qui s’élancèrent sur Tong-Tcho et le frappèrent à coups de lance ; mais sa cuirasse le préserva. Ce tyran, qui craignait toujours d’être