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drai, même au péril de ma vie. — Il n’est pas prudent de rester ici. Tout est à craindre de la part de Liu-Pou. — Demain je retourne avec vous dans la ville de Meï-Ou. Vous y trouverez le bonheur. — Ce séjour offre-t-il une entière sécurité ? — La ville de Meï-Ou renferme des vivres pour vingt ans, et en dehors sont rangés plusieurs millions de soldats. Si je réussis à m’emparer du trône, vous serez impératrice ; si je n’y réussis pas, vous serez la femme de l’homme le plus riche et le plus puissant de l’Empire. Je vous en supplie, bannissez toutes vos inquiétudes. »

Tel fut le dialogue qui eut lieu entre le premier ministre et la danseuse rusée. Le lendemain Ly-Jou se présenta à Tong-Tcho et lui dit : « Nous voici dans un jour heureux ; profitez-en pour conduire Tiao-Tchan à Liu-Pou. »

« Donneriez-vous votre femme à Liu-Pou ? » lui répondit Tong-Tcho changeant de couleur. — « Seigneur, vous ne devez pas vous laisser égarer par une femme. — Quelle femme pourrait égarer mon cœur ? ne me reparlez point de Tiao-Tchan. Si vous en ouvrez la bouche, je vous fais trancher la tête. » Ly-Jou leva les yeux au ciel en soupirant et s’écria : « Nous périrons tous deux de la main d’une femme ! »

Tong-Tcho appela ses officiers et fit chasser Ly-Jou ; puis il réunit ses troupes et retourna dans la ville de Meï-Ou, accompagné de tous les magistrats. Tiao-Tchan était montée sur un char. En plongeant ses regards dans la foule des guerriers, elle aperçoit Liu-Pou qui la cherchait des yeux et cache son visage comme pour dissimuler sa douleur et ses larmes. Liu-Pou lâche les rênes et se dirige rapidement vers un petit tertre qui était devant lui. Comme il était occupé à regarder Tiao-Tchan : « Général, lui dit un cavalier qui le suivait, pourquoi pleurez-vous en regardant dans le lointain ? »

Liu-Pou se retourne et reconnaissant Wang-Yun : « C’est à cause de votre fille que je pleure, » répondit-il ; et Wang-Yun reprit avec un étonnement simulé : « Ce n’est pas d’hier que je vous l’ai donnée en mariage : quoi ! général, elle n’est pas encore