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d’âme de Tchwang-Wang dans cette fête, et profitez de cette occasion pour donner Tiao-Tchan à Liu-Pou ; Liu-Pou sera pénétré de reconnaissance, et en tout temps il sera prêt à mourir pour vous. »

Un sourire de joie brilla dans les yeux de Tong-Tcho, et remplaça la colère qui avait contracté les traits de sa figure. « Allez trouver Liu-Pou, lui dit-il, et annoncez-lui que je lui donne Tiao-Tchan. — Kao-Tsou, de la dynastie des Han, donna vingt mille livres d’or à Tching-Ping, dans une circonstance analogue, reprit Ly-Jou, et son règne s’éleva au plus haut degré de splendeur. Votre Excellence imite aujourd’hui le noble désintéressement de Kao-Tsou. » À ces mots, Ly-Jou le remercia et partit.

Tong-Tcho entra dans l’appartement retiré où était Tiao-Tchan et l’appela. « Pourquoi avez-vous eu des relations secrètes avec Liu-Pou ? — Comme je savais, lui dit Tiao-Tchan, en fondant en larmes, que ce général était le fils de Votre Excellence, j’ai voulu me dérober à ses sollicitations ; mais ce scélérat m’a poursuivie, la lance au poing, jusqu’au pavillon du Phénix. Votre servante voulut se précipiter dans l’étang des Nymphæas ; il m’a retenue et s’est emparé de moi. J’étais entre la vie et la mort, quand Votre Excellence est venue me délivrer. — Je veux vous offrir à Liu-Pou, » interrompit Tong-Tcho. — « Votre servante s’est déjà donnée à vous. Si vous la livrez à un esclave, elle aime mieux mourir que de se déshonorer, » reprit vivement la jeune fille.

Aussitôt elle saisit une épée suspendue à la muraille, comme pour se percer le sein. Tong-Tcho se précipite au-devant d’elle, lui arrache l’épée, et, la serrant tendrement sur son cœur : « Je voulais seulement badiner avec vous ! » lui dit-il. Et Tiao-Tchan tombe en sanglotant dans les bras de Tong-Tcho. « Je suis sûre que c’est un stratagème de Ly-Jou, qui est l’intime ami de Liu-Pou, » reprit la danseuse. — « Comment pourrais-je vous donner à un autre ! » s’écria Tong-Tcho. — « Je ne crains qu’une chose, c’est d’être abandonnée de Votre Excellence. — Je vous défen-