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Ly-Jou, étant allé à l’hôtel du premier ministre, vit une personne de sa suite qui lui dit : « Son Excellence est allée chercher Liu-Pou, dont la conduite a allumé sa colère. » Ly-Jou entra précipitamment ; il vit Liu-Pou qui courait d’un air effaré, en criant : « Le premier ministre veut m’assassiner. » Ly-Jou s’élança dans l’intérieur du palais, et ayant heurté contre Tong-Tcho, qui courait dans une direction opposée, il l’avait renversé par terre.

Ly-Jou s’empresse de relever Tong-Tcho, et l’ayant conduit dans sa bibliothèque : « Seigneur, lui dit-il après l’avoir salué deux fois, j’étais emporté par l’ardeur bouillante que m’inspire l’intérêt de l’État, lorsque j’ai renversé Votre Excellence. Je mérite la mort, je mérite la mort. — Ce brigand faisait la cour à la femme que j’aime, j’ai juré de le tuer, » cria Tong-Tcho. — « Excellent seigneur, vous avez tort. Jadis Tchwang-Wang, roi de Tsou, avait invité les vassaux à un festin nocturne ; il ordonna à sa concubine favorite de présenter le vin aux convives. Tout à coup s’éleva un vent impétueux qui éteignit toutes les lampes. Un des convives profita de l’obscurité pour embrasser la favorite. Celle-ci saisit la houppe du bonnet de cet audacieux mandarin et dénonça au roi de Tsou l’injure qu’on venait de lui faire. — « Bah ! s’écria Tchwang-Wang, c’est un badinage sans conséquence, qu’il faut imputer à la folie du vin ! » Sur-le-champ il ordonna à un officier d’apporter un plat d’or et d’ôter les houppes de tous les bonnets, de sorte que personne ne put reconnaître celui qui avait insulté la favorite. Ce festin fut appelé Tsioué-Ing-Hoeï c’est-à-dire le festin des houppes enlevées. Dans la suite, Tchwang-Wang, roi de Tsou, se trouvant étroitement cerné par les troupes du roi de Tsin, un général se précipita au milieu des rangs ennemis, et le délivra. Le roi, voyant qu’il avait reçu une profonde blessure, lui demanda son nom. « Seigneur, lui répondit le guerrier, je m’appelle Tsiang-Hiong. Jadis, à certain festin nocturne, le grand roi qui me parle a daigné me faire grâce de la mort que j’avais méritée. Voilà pourquoi je suis venu aujourd’hui pour lui témoigner ma reconnaissance. » Seigneur, ajouta Ly-Jou, imitez la grandeur