Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des étoffes précieuses, et consolez-le, en lui parlant avec votre bonté accoutumée. »

Le lendemain Tong-Tcho appela auprès de lui Liu-Pou. « Avant-hier, lui dit-il, la maladie avait troublé mes esprits ; je ne sentais point la portée de mes paroles. Je t’ai adressé des reproches ; promets-moi de les oublier. Dès ce jour, je veux que tu ne me quittes pas d’un instant. » Aussitôt il lui donna dix livres d’or, et vingt pièces de soie brodée. « Seigneur, lui répondit Liu-Pou, comment oserais-je me formaliser des reproches que Votre Excellence a daigné m’adresser ? » Et dès ce moment Liu-Pou fréquenta de nouveau l’hôtel du premier ministre, sans témoigner de crainte ni de haine. Tong-Tcho se trouva bientôt en convalescence ; mais, comme il avait près de lui Tiao-Tchan, il ne revint pas à la ville de Meï-Ou.

Toutes les fois que Tong-Tcho se rendait à la cour, Liu-Pou, la lance en main, marchait à cheval devant son char. Quand Tong-Tcho était descendu devant le palais impérial, et qu’il montait les degrés, avec le glaive à son côté, Liu-Pou, toujours armé de sa lance, restait debout au bas du grand escalier. Tous les magistrats se prosternaient dans le vestibule rouge, le front appuyé contre terre, et ils recevaient les ordres suprêmes de l’empereur. Quand l’audience était levée, Liu-Pou remontait à cheval, et précédait de nouveau le char de Tong-Tcho.

Un jour Liu-Pou avait conduit Tong-Tcho dans l’intérieur du palais, où il s’arrêta quelque temps pour converser avec l’empereur Hien-Ty. Liu-Pou saisit promptement sa lance, sortit de la porte intérieure, sauta sur son cheval et courut tout droit à l’hôtel du premier ministre. Il attacha son cheval dans le voisinage, et entra, la lance à la main, dans l’arrière-salle, pour chercher Tiao-Tchan. La jeune fille, voyant que Liu-Pou la cherchait, sortit avec précipitation, et lui dit : « Allez m’attendre dans le pavillon du Phénix, qui est dans le jardin du fond ; je vais venir vous trouver. » Liu-Pou se rendit au lieu désigné, et se tint debout à côté de la balustrade qui était au bas du pavillon du Phénix. Quelques instants après, il vit venir Tiao-Tchan, belle comme une déesse du palais de la Lune.