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de Liu-Pou. Chaque jour il allait à l’hôtel du premier ministre, mais il ne put la voir une seule fois.

Dès que Tong-Tcho fut en possession de Tiao-Tchan, il s’abandonna tout entier à l’aveugle passion qu’elle avait su lui inspirer ; et il y avait déjà plus d’un mois qu’il n’était sorti de son palais pour s’occuper des affaires publiques. On était alors à la fin du printemps. Tong-Tcho ayant eu une légère indisposition, Tiao-Tchan ne déliait point sa ceinture, et se refusait le repos pour lui prodiguer les soins les plus tendres et les plus assidus. Ses attentions délicates, son dévouement de tous les instants, ne firent qu’enflammer davantage la passion de TongTcho. Un jour qu’il dormait sur son lit, Liu-Pou vint se placer à côté de son chevet. Tiao-Tchan se trouvait derrière le lit. Elle avance la moitié de son corps pour regarder Liu-Pou, et, mettant la main sur son cœur, elle attache sur lui des yeux pleins d’amour. Liu-Pou lui répond par des signes de tête. Tiao-Tchan montre de la main Tong-Tcho, et ses joues se baignent de larmes.

Quoique les yeux de Tong-Tcho fussent à moitié obscurcis par le sommeil, il distingua les gestes de Liu-Pou. Il se retourne avec émotion, et voyant Tiao-Tchan placée derrière un paravent, il ne peut contenir sa colère. « Quoi ! dit-il à Liu-Pou, d’une voix foudroyante, tu oses faire la cour à la femme que j’aime ! » À ces mots il appelle ses officiers et le fait chasser de son palais, en lui défendant d’y jamais rentrer.

Liu-Pou s’en revint chez lui bouillant de colère et d’indignation. Son collègue Ly-Jou, ayant appris ce qui venait de se passer, courut en toute hâte à l’hôtel de Tong-Tcho. « Seigneur, lui dit-il, pourquoi avez-vous grondé Liu-Pou ? — Il regardait furtivement une femme que j’aime ; voilà pourquoi je l’ai chassé. — Si vous désirez, seigneur, devenir maître de l’Empire, devez-vous le gronder pour de légères fautes ? Si vous perdez l’affection d’un héros comme Liu-Pou, c’en est fait de vos grands desseins. — Comment faire ? » demanda Tong-Tcho. — « Invitez-le à venir vous voir demain, donnez-lui de l’or et