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quelques éclaircissements ; ce fut chose impossible. Il alla droit à l’appartement du milieu, et demanda à une servante où était le premier ministre. « Le premier ministre est avec sa nouvelle femme ; il n’a pas encore paru. »

Liu-Pou se glissa à la dérobée auprès de la chambre à coucher de Tong-Tcho, afin de l’épier furtivement. Tiao-Tchan venait de se lever, et elle était occupée à se coiffer devant la fenêtre. Tout à coup, ayant regardé au dehors, elle aperçoit l’ombre d’un homme d’une taille élevée, qui se réfléchissait dans une pièce d’eau. Elle lance un œil furtif, et voit Liu-Pou qui se tenait debout au bord du bassin ; aussitôt elle prend un air triste et inquiet, et place un mouchoir devant ses yeux, comme pour cacher ses larmes.

Liu-Pou l’observa longtemps à la dérobée, puis il s’éloigna pour réfléchir en silence, sans être encore sûr de la vérité. Il rentra quelque temps après ; Tong-Tcho déjeunait dans la salle du milieu. En voyant venir Liu-Pou il lui demanda ce qu’il y avait de nouveau.

« Rien, » répondit celui-ci ; et il resta debout à côté de la table. Et, regardant à la dérobée, il aperçut derrière un rideau brodé une personne qui allait et venait, et semblait l’épier avec curiosité. Un instant après, elle laissa voir la moitié de son visage, et fixa sur lui des yeux passionnés.

Liu-Pou reconnaît Tiao-Tchan ; il se trouble et n’est plus maître de son émotion. Frappé de l’incohérence de ses paroles, Tong-Tcho l’observe et voit qu’il ne songe qu’à plonger ses regards dans l’intérieur de l’appartement. « Mon fils, lui dit-il, puisque aucune affaire ne t’amène ici, retire-toi. » Liu-Pou revint chez lui, l’âme en proie aux plus cruels soupçons. Sa femme, voyant la tristesse et la douleur peintes sur son visage : « Qu’avez-vous ? lui dit-elle ; est-ce que le premier ministre vous aurait grondé ? — Comment le premier ministre pourrait-il me faire la loi ? » répondit-il ; et sa femme n’osa pousser plus loin ses questions.

Depuis ce moment Tiao-Tchan absorbait toutes les pensées