Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ciel, tel est le vœu de tous les hommes de l’Empire. — Comment pourrais-je concevoir de si hautes espérances ? » répondit Tong-Tcho. — « L’Empire n’appartient pas à un seul individu, il appartient à tous les hommes de l’Empire. De tout temps les hommes vertueux ont renversé les princes corrompus ; de tout temps les souverains ineptes ont cédé leur place aux hommes de mérite. Qui empêche que Votre Excellence ne prenne la succession de l’Empire ? — Vous avez raison, dit Tong-Tcho en souriant, c’est à moi que revient la couronne impériale ; je vous donne le titre de Youan-Hiun » (c’est-à-dire le premier de ceux qui ont rendu de grands services à l’État). Wang-Yun le remercia en se prosternant à ses pieds.

Quand les lampes furent allumées, ils ne gardèrent que les servantes pour présenter le vin et les mets dont la table était couverte. « La musique vulgaire, dit alors Wang-Yun, n’est pas digne de captiver votre noble attention. Daigneriez-vous écouter la musique des comédiennes de ma maison ? — Avec plaisir, » répondit Tong-Tcho. Wang-Yun renvoya les premiers musiciens, et ordonna d’aller chercher Tiao-Tchan, afin qu’elle dansât aux sons de la flûte de bambou[1], devant les fenêtres de la salle.

Quand elle eut fini de danser, Tong-Tcho lui ordonna de s’approcher de lui. Tiao-Tchan vint dans la salle, et le salua deux fois en se prosternant jusqu’à terre. « Quelle est cette jeune fille ? » demanda Tong-Tcho. — Une jeune musicienne nommée Tiao-Tchan. — Sait-elle chanter ? « Wang-Yun ordonna à Tiao-Tchan de prendre ses castagnettes de santal, et de chanter à demi-voix.

Voici les paroles de sa chanson :

 
« Mes lèvres vermeilles ont l’incarnat de la cerise ;
« Mes dents ressemblent à deux rangées de perles ;
« Ma voix résonne comme la douce mélodie du printemps ;
« Ma langue parfumée darde une épée d’acier ;

  1. Instrument à vent composé de plusieurs tuyaux de bambou ; espèce de flûte de pan, appelé en chinois Seng-Hwang.