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des yeux passionnés. « Ma fille, dit Wang-Yun en feignant un air d’ivresse, je te prie de boire quelques coupes avec le général. Il est le protecteur et l’appui de toute ma maison. Liu-Pou invita Tiao-Tchan à s’asseoir ; mais elle voulut se retirer. « Ma fille, lui dit Wang-Yun, le général m’a comblé de bienfaits ; rien n’empêche que tu t’asseyes un instant auprès de lui. »

Tiao-Tchan obéit, et offrit encore quelques coupes au général. Wang-Yun était tout étourdi par le vin et pouvait à peine se soutenir. Tout à coup il lève la tête d’un air exalté : « Général, dit-il en riant aux éclats, je veux vous offrir ma fille en mariage : daignerez-vous l’accepter ? — Si cette offre est sincère, répondit Liu-Pou en le remerciant, je veux dans la vie suivante passer dans le corps d’un chien ou d’un cheval, pour vous servir et vous témoigner ma reconnaissance. — À la première occasion, je choisirai un jour heureux et je vous conduirai ma fille dans votre hôtel. » répondit Wang-Yun.

Liu-Pou n’était plus maître de sa joie, et dévorait des yeux Tiao-Tchan. De son côté, Tiao-Tchan lui répondait par de gracieux sourires, et se plaisait à allumer sa passion, en fixant sur lui deux prunelles ardentes. « J’aurais voulu, lui dit Wang-Yun, prier le général de passer la nuit dans mon hôtel ; mais je crains que le premier ministre ne conçoive quelques soupçons. En vérité, je n’ose vous faire cette invitation. »

Wang-Yun fit retirer Tiao-Tchan, et accompagna Liu-Pou jusqu’à l’endroit où il monta à cheval. Liu-Pou le remercia. Quand il fut parti Wang-Yun dit à Tiao-Tchan : « Cette entrevue est le salut de l’Empire. Au premier jour, j’inviterai le premier ministre. Tu éveilleras ses désirs par des chants passionnés et par une danse voluptueuse. » Tiao-Tchan le lui promit. Le lendemain, comme Wang-Yun se trouvait dans la salle d’audience de l’empereur, il aperçut Tong-Tcho qui, contre sa coutume, n’avait point Liu-Pou à ses côtés.

« Seigneur, lui dit Wang-Yun en se prosternant à ses genoux, je désirerais que Votre Excellence voulût bien s’abaisser jusqu’à venir dîner dans mon humble maison, mais j’ignore