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faudrait subir dix mille morts, je suis prête à vous obéir. » Wang-Yun se prosterna de nouveau à ses genoux et lui dit : « Le peuple est dans un danger qui ne se peut comparer qu’à celui d’un homme suspendu la tête en bas. L’empereur et les ministres de la dynastie des Han sont sur le bord d’un précipice, et il n’y a que vous au monde qui puissiez les sauver. »

Tiao-Tchan se prosterna trois fois devant lui, et le pria de lui révéler ce secret. Wang-Yun lui dit : « Tong-Tcho veut s’emparer du trône ; et, parmi les officiers civils ou militaires qui entourent l’empereur, il n’en est pas un seul qui puisse trouver un stratagème pour se défaire de lui. Tong-Tcho a près de lui un fils adoptif nommé Liu-Pou ; il est doué d’un courage qui résisterait à dix mille soldats. Je pense que ces deux hommes sont amis du vin et de la volupté. Je désire vous offrir d’abord en mariage à Liu-Pou, et ensuite à Tong-Tcho. Profitez de cette occasion pour exciter de la jalousie entre le père et le fils, et les armer l’un contre ; tâchez que Liu-Pou tue TongTcho. Vous nous aurez délivrés du fléau qui pèse sur l’Empire, vous aurez relevé le trône chancelant des Han, et vous l’aurez protégé comme si on l’entourait d’une ceinture de mers et de montagnes. J’ignore quelles sont vos dispositions.

« Seigneur, votre servante est prête à vous obéir. Conduisez-moi promptement auprès de lui : mon plan est tout arrêté. — Si cette affaire venait à transpirer, Tong-Tcho exterminerait toute ma famille. — N’ayez aucune inquiétude. Si votre servante oublie les devoirs que lui imposent la justice et la reconnaissance, puisse-t-elle mourir sous le tranchant de dix mille glaives ! puisse-t-elle, de siècles en siècles, ne jamais transmigrer dans un corps humain ! » Wang-Yun la remercia en se prosternant devant elle, et garda un profond silence sur le projet qu’il méditait.

Le lendemain Wang-Yun prit une escarboucle d’un prix inestimable, et la fit enchâsser au haut d’un bonnet tout rayonnant d’or, qu’il envoya secrètement au fils adoptif de Tong-Tcho. Liu-Pou, transporté de joie, alla droit à l’hôtel de Wang-Yun pour le remercier de ce riche présent. Celui-ci, qui