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« Seigneur, lui dit-elle, comment votre servante oserait-elle nourrir un amour coupable ? — Si tu n’avais pas quelque intrigue secrète, comment viendrais-tu la nuit pleurer et soupirer dans ce pavillon ? — Permettez-moi de vous découvrir le fond de mon cœur. — Ne me cache rien, je veux savoir toute la vérité.

— « Seigneur, votre humble servante a été comblée de vos bontés ; vous l’avez élevée avec toute la tendresse d’un père ; vous lui avez fait apprendre le chant, la danse, la flûte et la guitare, et jamais vous ne l’avez traitée comme une esclave ; vous la regardez au contraire comme votre propre fille. Quand même, pour vous servir, mes os seraient réduits en poudre, quand toute ma chair serait déchirée en lambeaux, je ne pourrais pas encore payer la dix-millième partie de vos bienfaits. J’ai vu vos sourcils froncés par la tristesse, et j’ai pensé que vous étiez tourmenté par les grands intérêts de l’État. J’aurais voulu, seigneur, dissiper vos ennuis, mais j’ai craint de vous interroger. Ce soir encore j’ai été témoin de vos inquiétudes ; j’ai vu que vous ne pouviez ni marcher, ni rester un instant en repos. Voilà, seigneur, la cause de mes larmes. Je ne pensais pas que Votre Excellence viendrait épier ma douleur et m’arracher mon secret. Si votre servante peut vous être utile à quelque chose, dussé-je souffrir dix mille morts, je suis prête à vous obéir. »

Wang-Yun, frappant la terre avec son bâton, s’écria : « Qui aurait pensé que le salut de l’Empire fût entre vos mains ? Suivez-moi dans la salle peinte. » Et elle suivit Wang-Yun, qui fit retirer toutes ses concubines. Quand il fut seul avec Tiao-Tchan, il la fit asseoir au milieu de la salle, et se prosterna devant elle en frappant la terre de son front.

Tiao-Tchan fut remplie d’effroi. « Seigneur, lui dit-elle en se précipitant à ses genoux, pourquoi vous prosterner ainsi devant votre humble servante ? — Prenez pitié de l’Empire des Han et de ses malheureux sujets ! » s’écria-t-il ; et deux torrents de larmes ruissellent le long de ses joues. « Je vous le répète, reprit-elle, si vous avez quelque ordre à me donner, quand il