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cette occasion, Tong-Tcho avait coutume d’admettre à sa table les grands dignitaires de l’État. Un jour, on lui annonça l’arrivée de quelques centaines de soldats du nord, qui étaient rentrés dans le devoir. Tong-Tcho alla au-devant d’eux jusqu’à la porte appelée Kwang-Men, et tous les magistrats de la capitale se joignirent à son cortège. Tong-Tcho les ayant retenus à dîner, fit amener devant lui tous les soldats, et exerça sur eux les plus horribles cruautés : les uns eurent les mains et les pieds coupés ; on creva les yeux aux autres. On arracha la langue à ceux-ci ; ceux-là furent jetés dans des chaudières remplies d’eau bouillante. Ces malheureux, sanglants et mutilés, demandaient grâce en luttant contre la mort.

Les magistrats palpitent de crainte et d’horreur ; ils laissent tomber les bâtonnets[1], et oublient les mets qui sont servis devant eux. Tong-Tcho continua de boire et de manger, en riant aux éclats, et comme les magistrats voulaient quitter la salle du festin. « J’ai tué ces révoltés, leur dit froidement Tong-Tcho ; pourquoi avez-vous peur ? — J’ai aperçu une vapeur noire qui s’élevait au ciel, dit le conservateur des archives Tsay-Hong ; c’est un sinistre présage pour les grands officiers de l’État. »

Un jour Tong-Tcho avait réuni dans son hôtel tous les magistrats, et les avait fait asseoir sur deux rangs. Quand le vin eut fait plusieurs fois le tour de l’assemblée, Liu-Pou s’approcha de Tong-Tcho et lui dit quelques mots à l’oreille. « Quoi ! est-ce bien vrai ? » lui dit Tong-Tcho en riant. Sur-le-champ il ordonna à Liu-Pou de prendre par les cheveux Tchang-Wen, le ministre des travaux publics, et de l’entraîner hors de la salle. Tous les magistrats changèrent de visage.

Hier, dit Tong-Tcho, le conservateur des archives a annoncé un malheur aux grands officiers de l’État, et c’est à cet homme que se rapportait cette prédiction. » Quelques instants après, un domestique vint lui présenter, dans un plat rouge, la tête de Tchang-Wen. Tong-Tcho ordonna à Liu-Pou de servir

  1. Petits bâtons dont les Chinois se servent au lieu de fourchettes.