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— Il y a un moyen, dit Hwang-Kay, c’est de l’échanger avec le général Hwang-Tsou, fait prisonnier cette même nuit. » Un officier, Hiuen-Kay, se chargea d’aller porter ces propositions à Liéou-Piéou. Celui-ci offrit de remettre le cercueil dans lequel le général mort était déjà enfermé ; Hwang-Tsou serait rendu en échange, et, de part et d’autre, on retirerait ses troupes : la paix serait conclue.

Au moment où le parlementaire allait se retirer, une voix cria : « Non, n’en faites rien ! J’ai un autre projet. Que les troupes ennemies ne se retirent pas ainsi ; commençons par décapiter l’envoyé, ensuite nous verrons. — Aujourd’hui Sun-Kien est mort, les gens du Kiang-Tong n’ont plus de chef, Sun-Tsé est jeune, ses frères ne sont que des enfants, reprit Kouay-Léang, l’occasion est bonne ; pendant que rien ne nous menace de ce côté, pendant que tout est affaibli à l’est du fleuve, jetons des soldats dans cette contrée, et à la première attaque elle est à nous. Si le corps est rendu au fils, si on lui permet de remporter dans les provinces méridionales le cercueil de son père, cette vue nourrira le zèle, excitera l’enthousiasme des populations, et que de malheurs pour notre province ! — Et mon lieutenant Tsou, prisonnier dans le camp ennemi, répondit Piéou, dois-je l’abandonner ? — Cela peut-il vous arrêter ? répliqua Léang ; qu’importe un homme sans talent ; le perdre pour gagner cent lieues de pays, voilà la vraie conduite d’un homme supérieur ! — Non, reprit Piéou, Tsou est mon ami de cœur, je ne manquerai pas ainsi à un devoir sacré ! »

L’envoyé retourna au camp ; Hwang-Tsou délivré alla prendre congé du jeune Sun-Tsé, qui vint au-devant du cercueil de son père ; la guerre était finie. Sun transporta le cadavre dans sa bière à l’est du fleuve, et, après avoir accompli toutes les cérémonies funèbres, il l’ensevelit à Kio-Ho. Retiré avec ses troupes à Kiang-Tou, le jeune prince, devenu indépendant, appela à lui les hommes instruits et sages ; de tous côtés, les gens recommandables par leurs talents et leurs rares qualités vinrent grossir son parti.