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la guerre fut déclarée ; mais la position des deux partis n’était pas la même.

Réduits à user simplement du droit de représentation, à expliquer leurs intentions sans détour, dans des placets, à demander des réformes violentes, c’est-à-dire la destruction des eunuques, les lettrés épouvantaient la cour subjuguée, et s’exposaient imprudemment aux haines de la faction adverse. Les favoris, au contraire, familièrement admis dans les appartements intérieurs, pénétrant partout, surprenaient les secrets de l’état, faisaient valoir auprès de la régente leurs indispensables services, et, cachés dans l’ombre, tournaient contre les lettrés trop impérieux, la colère de la cour. Aux menaces des académiciens, les eunuques répondaient par des listes de proscription qui demeuraient rarement sans effet. Les supplices diminuaient le nombre des partisans de l’ordre et des lois anciennes ; les favoris triomphants réussirent même à les écarter tout à fait, à les peindre aux yeux du jeune empereur comme des rebelles qui s’entendaient avec sa propre mère pour le dépouiller de la couronne. Après avoir enlevé à l’impératrice les sceaux de la régence, ils l’enfermèrent dans un pavillon retiré, et, tenant le prince sous leur tutelle, ils l’aigrirent par leurs calomnies contre les académiciens, réduits au silence. Ces représentants de la Chine antique n’en continuèrent pas moins de se dévouer au salut de l’empire et de la dynastie ; à leurs dénonciations courageuses, à leurs plaintes éloquentes, le jeune souverain, d’abord ému, prêtait une oreille attentive ; mais, circonvenu par les eunuques, il laissait bientôt tomber l’ordre de faire périr, avec toute leur famille, ces censeurs importuns.