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gaiement ses troupes le jour même. Déjà Youen-Chao avait envoyé prévenir Han-Fou du danger (feignant ainsi de lui donner un avis charitable), et le pauvre gouverneur, tout effrayé, consulta ses deux assesseurs, Sun-Tchin et Kouo-To. Le premier fit observer que Sun-Tsan approchait à la tête des troupes du Yen-Tay ; ses forces étaient considérables ; on ne pouvait lutter contre une pareille armée ; d’ailleurs il avait avec lui Hiuen-Té, le vainqueur des Bonnets-Jaunes, et ses deux compagnons. Le Ky-Tchéou devait donc se rendre à jour nommé ! « Le chef de l’expédition, Youen-Chao, ajouta-t-il, est un héros supérieur à tous par sa capacité ; il a sous lui des chefs renommés ; d’un bout à l’autre de l’Empire il a répandu ses bienfaits ; la terre entière le respecte ; il est le modèle des grands hommes du siècle. Partagez avec lui le gouvernement de la province ; certainement il vous traitera avec égard, et regardera cet ambitieux Kong-Sun-Tsan comme un enfant étourdi. »

Déjà le gouverneur avait dépêché un commandant de cavalerie, Kouan-Ky, à Youen-Chao pour lui offrir l’investiture de la principauté. Mais Keng-Wou, le gardien des archives, s’opposait à cette démarche. « Ce chef, abandonné de ses alliés, cette armée épuisée, qui se jette entre nos bras, ne peut-on pas, disait-il, les comparer à des enfants qui meurent de faim après avoir tari le sein qui les nourrit ? et c’est à de pareilles gens qu’on veut abandonner le gouvernement de la province ! Ce serait ouvrir au tigre la porte de la bergerie ! » En vain Han-Fou se déclara le client de Youen-Chao et fit un éloge pompeux de ses qualités ; en vain il cita l’exemple des anciens, par lesquels il apprenait à abdiquer entre les mains d’un plus digne, et accusa d’envie le fidèle mandarin. Celui-ci résista toujours, et s’écria avec un soupir : « C’en est fait du pays ! » Tout le conseil partagea ses alarmes ; et, au nombre de trente, les mandarins donnèrent leur démission.

Cependant l’opiniâtre dignitaire Keng-Wou, associant à ses idées le général de cavalerie Kouan-Chun, cacha des troupes hors des murs de la ville, et ils attendirent l’arrivée de Youen-Chao, qui parut bientôt : les deux mandarins, comme s’ils fussent allés