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Ce que le soldat en retira, ce fut un cadavre de femme qu’un assez long séjour dans les eaux n’avait point décomposé ; il semblait être celui de l’une des servantes du harem. À son cou était attaché un petit sac de soie brodée ; dans ses deux mains elle tenait serré un morceau d’une étoffe précieuse de couleur violette, aux armes impériales. Cette étoffe cache un coffret de bois rouge fermé avec un cadenas d’or ; Sun-Kien l’ouvre ; il y trouve un sceau de jade carré, de l’épaisseur d’un peu plus d’un pouce, sur la poignée duquel sont gravés cinq dragons enlacés ; l’un des coins, brisé jadis, a été réparé avec de l’or, et on y lit les mots suivants écrits en caractères antiques, pareils à ceux qui sont tracés sur les cachets : « La mission confiée par le Ciel durera éternellement. »

C’était le sceau impérial que le jeune souverain avait perdu en revenant du palais, après avoir fui vers le mont Pé-Mang, lors du massacre des eunuques. Puisque le Ciel l’avait donné à Sun-Kien, c’était pour qu’il arrivât à l’Empire ; il devait donc s’éloigner de Lo-Yang au plus vite et retourner à l’est du fleuve Kiang, afin d’y préparer de grandes entreprises ; tel était l’avis de son fidèle compagnon Tching-Pou, qui lui raconta toute l’histoire de ce merveilleux cachet[1].

« La seule vue de ce précieux joyau avait fait naître en moi la même pensée, répondit Sun-Kien ; demain, sous prétexte d’une maladie, j’irai prendre congé du chef de la confédération, et je retirerai mes troupes. » Lorsque ce projet de fuite fut

  1. Voici la légende racontée par Tching-Pou : Ce cachet était le sceau héréditaire des empereurs ; jadis, au temps de la chronique de Tchun-Tsieou, écrite par Confucius, un homme appelé Pien-Ho vit, au pied du mont Hing-Chang, un phénix se poser sur une pierre ; il mit cette pierre sur son char et la porta à Wen-Wang, roi de Tsou, qui la dégagea des matières étrangères : c’était un morceau de jade. La vingt-sixième année de la dynastie des Tsin (229 ans av. J.-C), ce jade, confié à un très-habile ouvrier, devint un sceau sur lequel Ly-Sse (ministre de Tsin-Chy-Hwang-Ty, celui-là même qui provoqua l’incendie des livres et la proscription des lettrés) écrivit les huit mots qui le désignaient comme le cachet héréditaire des empereurs ; et on le nomma : « le cachet de l’empire qui se transmet. » — Deux ans plus tard, Chy-Hwang, étant en tournée chez ses vassaux, fut surpris sur le lac Tong-Ting par une tempête ; le bateau allait chavirer ; alors l’empereur jeta le cachet au milieu des flots, ce qui apaisa l’orage. Huit ans s’écoulèrent ; le prince se trouvant en tournée au pays de Hoa-Yn, un homme arrêta les gens de sa suite pour leur remettre ce sceau, qu’un dragon, disait-il, lui avait donné, et il disparut aussitôt. À la mort de ce prince, Tseu-Yng, dernier rejeton de la dynastie, légua le cachet au fondateur de celle des Han, l’empereur Kao-Tsou ; ensuite, au temps de