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sée qui le déshonorait dans toutes les générations futures ! Le soir, les deux fugitifs cherchèrent un gîte. Tsao s’endormit le premier, et Tchin, qui soignait les chevaux, se dit à lui-même : « J’avais pris ce Tsao pour un homme de bien, j’ai quitté mon poste pour le suivre, et je vois en lui la ruse du renard jointe à la cruauté du loup. Je l’abandonne à l’instant, car dans la suite, j’aurais à me repentir d’une pareille compagnie. »


III.[1]


Déjà même il tenait son sabre en main pour assassiner son compagnon ; mais il pensa qu’après l’avoir suivi au nom de la fidélité due au prince, le tuer serait commettre une déloyauté envers le souverain lui-même ; il valait mieux l’abandonner ! Remettant le sabre dans le fourreau, Tchin monta à cheval ; avant l’aurore il était arrivé à Tong-Kiun.

Ne trouvant plus à son réveil le petit mandarin près de lui, Tsao se rappela qu’à l’occasion de ce meurtre inutile, il avait prononcé des paroles capables de le faire prendre plutôt pour un bandit que pour un honnête homme ; comprenant que son compagnon l’avait abandonné, il ne voulut pas s’arrêter davantage. Cette même nuit, il se dirigea donc vers Tchin-Liéou, pour se concerter avec son père, dont il venait d’avoir des nouvelles. Il voulait vendre tout son bien pour en employer l’argent à lever des troupes, mais son père lui objecta que cette fortune ainsi sacrifiée eût été bien insuffisante.

Dans ce même temps, Tsao-Tsao entendit parler d’un certain Wei-Hong, homme vertueux et probe, plus attaché à la loyauté qu’à ses richesses qui étaient considérables ; avec le secours de ce fidèle sujet il pouvait faire quelque chose. Tsao l’invite à un petit repas, lui expose la tyrannie de Tong-Tcho qui opprime l’empire et foule le peuple ; il lui montre le trône sans maître, la guerre civile prête à éclater, et lui communique ses projets qu’il ne peut accomplir seul ; il a besoin de l’aide et

  1. Vol. I, livre I, chap. IX, p. 128 du texte chinois.