Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

familles à qui mettra la main sur ce brigand ! — S’il a des complices, son arrestation les fera connaître, » reprit Ly-Jou.

Cependant Tsao-Tsao fuyait au plus vite ; mais quand il voulut traverser la ville de Tchong-Méou (district de Tsiao-Kiun), les gardes l’arrêtèrent à la porte. En vain prit-il un faux nom ; son costume, ses traits se rapportaient trop bien au signalement ; les soldats n’hésitèrent pas à reconnaître en lui l’homme qu’ils avaient ordre de saisir, et ils le conduisirent près du commandant du district. Celui-ci reconnut le prisonnier (quoiqu’il cherchât à se faire passer pour un marchand) ; il l’avait vu dans un voyage fait à Lo-Yang dans le but d’y solliciter sa nomination. « Je vous reconnais, rendez le cheval que vous avez volé, » dit le mandarin, et il ajouta d’une voix plus dure : « C’est en vain que vous cherchez à me tromper ! En prison !… Demain j’irai à la capitale réclamer la principauté que j’ai gagnée ; elle sera pour moi, et je partagerai avec ces soldats les mille pièces d’or. » En attendant il fit distribuer à ceux qui avaient arrêté Tsao, du vin et de la viande.

Le soir, le mandarin, accompagné de ses deux assesseurs, alla tirer Tsao de sa prison et l’emmena dans ses appartements pour l’interroger : « Le bruit court que le premier ministre vous traite avec de grands égards, lui dit-il ; qui donc a pu vous mettre dans le mauvais pas où vous vous trouvez ? — L’hirondelle et le moineau ne peuvent connaître les pensées de l’aigle, répondit Tsao ; vous m’avez arrêté, allez chercher votre récompense, et ne me faites pas d’autres questions… — Et vous, ne me méprisez pas trop, répliqua le petit mandarin, car moi aussi j’ai des pensées qui s’élèvent bien haut ! mais que peut-on faire tant qu’on n’a pas trouvé le véritable maître qu’il faut servir ?

— « Écoutez, reprit Tsao, je descends de Tsao-San, qui fut ministre ; pendant quatre cents ans mes aïeux ont reçu des Han de gros appointements ; si je ne leur témoignais pas ma reconnaissance, en quoi différerais-je des quadrupèdes et des oiseaux qui reçoivent leur nourriture sans s’attacher à la main qui les nourrit ? Si j’ai servi Tong-Tcho, c’était dans l’espoir de