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II.[1]


— « Écoutez, dit Tsao (car ils étaient sortis de la salle du festin) : ces jours derniers je suis allé offrir mes services à Tong-Tcho, et voilà quelle était au fond ma pensée : me défaire de lui ! Aujourd’hui, il m’affectionne beaucoup, et s’il a quelque affaire à traiter, il me fait venir pour s’entendre avec moi. Eh bien, vous, général, vous avez un sabre magnifique, prêtez-le-moi, et je jure d’accomplir mon projet, dussé-je souffrir mille morts.

— « Quel bonheur pour la dynastie, si telle est votre résolution ! » reprit Wang-Yun. Et Tsao fait serment d’assassiner le premier ministre ; il reçoit des mains du général ce sabre magnifique à la lame acérée, longue d’un pied, orné à sa poignée de sept pierres précieuses, le suspend à sa ceinture, et quand les convives se sont retirés depuis plusieurs heures, cette même nuit, au matin, il s’en va tenter l’entreprise.

Arrivé aux portes du palais, Tsao demande le premier ministre ; on lui répond que Son Excellence s’est retirée dans son cabinet depuis longtemps ; alors, pénétrant jusque dans la chambre, le héros trouve Tong-Tcho couché sur son lit ; à ses côtés se tient son affidé Liu-Pou. « Pourquoi venez-vous si tard ? dit le premier ministre. — Mon cheval est malade, répondit Tsao ; je n’ai pu arriver plus vite, — J’en ai amené d’excellents du pays de Sy-Liang, dit Tong-Tcho, et mon fils adoptif Liu-Pou ira vous en choisir un dont je vous fais le cadeau. » Là-dessus, Liu-Pou sortit pour aller chercher le cheval.

« Tyran, tu vas mourir ! » se dit Tsao-Tsao ; et il allait porter le coup ; mais Tong-Tcho est robuste, il serait téméraire de frapper. Cependant, comme, grâce à sa corpulence, il était déjà las de rester assis pendant cette visite, le premier ministre s’allonge de nouveau sur son lit en tournant le dos à Tsao. « Brigand ! se dit alors le fidèle mandarin, ta dernière heure

  1. Vol. I, livre I, chap. VIII, p. 119 du texte chinois.