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« Noble seigneur, disent les conviés, à pareille fête il ne convient pas de montrer tant de douleur. — Hélas ! répond Yun, ce n’est point aujourd’hui l’anniversaire du pauvre vieillard ! il a voulu, sous ce prétexte, réunir autour de lui tant de nobles hôtes, sans exciter les soupçons du tyran. S’il pleure, c’est sur l’empire des Han ! La puissance de Tong-Tcho est désormais semblable aux monts Taï-Chan ; nuit et jour notre vie est menacée ! Hélas ! je songe qu’autrefois l’aïeul des Han, Kao-Tsou, tira son glaive pour trancher en deux le serpent blanc ; il leva des soldats fidèles à leur prince ; et ses descendants ont régné durant quatre siècles. Qui aurait cru qu’un jour ils périraient de la main de Tong-Tcho, et que nous, nous mourrions sans avoir servi l’empire ! »

Les mandarins fidèles baissaient les yeux et fondaient tous en larmes ; lorsque l’un d’eux frappant dans ses mains et partant d’un grand éclat de rire, s’écria : « Du matin au soir, du soir au matin, les grands ne font que pleurer dans le palais ; dites-moi, toutes ces larmes feront-elles mourir Tong-Tcho ? » Celui qui parlait ainsi, c’était le commandant de cavalerie, Tsao-Tsao, que nous avons déjà rencontré dans cette histoire. « Et vous, reprit Wang-Yun d’un ton de reproche, vous qui avez depuis quatre générations vécu des appointements et des titres accordés par les Han, voulez-vous, dans votre ingratitude, faire cause commune avec les pervers ? Eh bien, allez nous dénoncer, et même, après notre mort, nous serons sous la forme d’esprits les serviteurs des Han !

— Ce qui me fait rire, répondit Tsao, c’est tout simplement de voir que sur tant de loyaux mandarins, il n’y en a pas un qui trouve le moyen de se défaire de Tong-Tcho ; sans être plus habile qu’un autre, moi, j’ai déjà un plan arrêté ; c’est de couper la tête du tyran et de la suspendre aux portes de la capitale, afin de réjouir l’empire par la mort de ce monstre. — Tsao, s’écria Wang-Yun en se levant de table, vos vues sont nobles ! mais comment vous y prendrez-vous pour rétablir ainsi les Han sur leur trône ébranlé ? »