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plein de rage, et l’officier expira en vomissant des injures contre le régent. Depuis lors, celui-ci ne sortait plus sans être accompagné d’une escorte de soldats munis de cuirasses, qui marchaient devant et derrière sa personne pour la protéger.

Mais nous avons laissé Youen-Chao, son rival, retiré dans la province de Pou-Hay ; quand il vit le premier ministre maître absolu du pouvoir, il fit parvenir secrètement au général de l’infanterie Wang-Yun la lettre suivante :

« Le pervers Tong-Tcho a détrôné le prince légitime au mépris des lois divines ; les hommes incapables de se contenir plus longtemps parlent enfin. L’anarchie a pénétré dans le palais impérial, les esprits d’en haut ne favorisent plus l’empire. Et vous, cependant, vous restez en repos, comme si vous ne deviez vos services à personne ; est-ce ainsi qu’un fidèle mandarin épuise son zèle pour s’acquitter envers l’État ? Aujourd’hui j’ai levé une armée pour purger entièrement la cour des Han des pervers qui la souillent. Je n’ai point osé encore faire avancer les soldats. Vous, songez que vous avez vécu de la libéralité des empereurs, et profitez de l’occasion que je vous offre de leur en témoigner votre reconnaissance.

« Si je reçois de vous un courrier, je m’empresserai d’obéir à vos ordres. On ne peut pas tout dire dans une lettre. Je vous en prie, réfléchissez bien à ces choses ! »

Quand il eut lu cette lettre, Wang-Yun chercha, mais sans le trouver encore, le moyen d’entrer dans les vues de Youen-Chao. Un jour cependant il rencontra dans le jardin du palais un certain nombre d’anciens mandarins employés par les Han ; ils y étaient par hasard assemblés. Yun les prie poliment à un petit souper chez lui, ce même soir, afin de célébrer l’anniversaire de sa naissance ; il les presse de ne pas refuser son invitation, et tous, ils promettent de s’y rendre. Or, le repas était préparé dans la salle du fond, les flambeaux brillaient et les conviés arrivent. Avec une secrète joie, Yun reconnaît en eux autant de serviteurs de la famille impériale. Quand on a bu largement l’amphitryon lève la coupe ; mais un torrent de larmes inonde son visage.