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attendue à Tong-Tcho, qui fit enterrer ses victimes hors de la ville. Depuis lors, le régent entrait chaque nuit dans le palais réservé ; il couchait dans la chambre impériale, et toutes les femmes de la cour, suivantes ou princesses, furent victimes de sa brutalité.

Un jour il emmena ses troupes jusqu’à Yang-Tching, et comme c’était l’époque où les jeunes garçons et les jeunes filles du village vont, au deuxième mois, offrir des sacrifices pour la prospérité des récoltes, il les fit tous cerner et massacrer par ses soldats ; beaucoup de femmes et bien des objets précieux furent enlevés. Mille et mille chariots revinrent chargés de ces riches dépouilles ; on suspendit à l’entour les têtes des gens égorgés, et dans les villes où il passait, Tong-Tcho faisait dire qu’il revenait d’une expédition brillante contre des rebelles. Aux portes de chacune de ces villes, il brûlait quelques-unes des têtes, et distribuait le butin, ainsi que les femmes, aux officiers de sa suite.

Un officier de cavalerie légère nommé Ou-Fou (son surnom Té-Yu) voyant que Tong-Tcho était le fléau de la Chine, osa seul, tandis que les mandarins dévoraient tous leur chagrin en silence, se rendre au palais armé d’un petit poignard, caché sous sa cuirasse, que recouvraient ses vêtements de cérémonie. Mais au moment où, arrivé au bas du pavillon, il allait porter le coup, Tong-Tcho, doué d’une force peu commune, saisit son adversaire à deux mains ; Liu-Pou, qui survint à temps, se rendit maître de l’officier et le renversa.

« Qui t’a appris à te révolter contre moi ! demanda Tong-Tcho. Et Ou-Fou répondit à haute voix sans baisser les yeux : — Tu n’es pas mon prince, je ne suis pas ton sujet ! en quoi me suis-je révolté ? tu bouleverses l’empire, tu disposes du trône à ton gré ; tes crimes s’élèvent jusqu’au ciel ; ce jour devait être celui où je périrais ; j’étais venu pour châtier un infâme tyran. Plût à Dieu qu’un char roulant sur ton corps t’eût brisé en morceaux sur le chemin qui mène à la cour et que l’empire fut délivré de toi !

— Emmenez-le, qu’il soit coupé en pièces, s’écria Tong-Tcho