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« Les hirondelles volent gaiement ; la rivière Lo coule en liberté ; les hommes qui passent se réjouissent à l’aspect du printemps !

« Je promène mes regards au loin ; partout je vois des nuages transparents ! Telle était autrefois ma tranquille destinée !

« Quel homme loyal et sincère aura au fond de son cœur de la pitié pour moi ! »

Des femmes du harem, chargées par Tong-Tcho d’espionner et de surveiller les captifs, lui rapportèrent à l’instant les paroles du jeune prince, et lui mirent sous les yeux une copie de ces lignes ; le régent résolut aussitôt de faire périr l’illustre prisonnier. Ces vers étaient pour lui comme une menace lointaine ; le motif paraissait suffisant pour en finir avec Liéou-Pien. Cette cruelle mission fut confiée à Ly-Jou, qui prit avec lui dix hommes armés.

L’enfant était dans l’étage supérieur du palais à gémir avec sa mère. Les femmes annoncèrent Ly-Jou ; à ce nom le jeune prince trembla. L’assassin lui présenta une coupe en disant : « Le printemps est l’époque où tout germe dans la nature ; ce vin vous est envoyé par Tong-Tcho pour fêter l’anniversaire de votre naissance ! — Pourquoi venir me tourmenter ainsi ? répondit le captif en pleurant. — Buvez sans crainte ce vin destiné à célébrer un jour si heureux, reprit Ly-Jou. — S’il en est ainsi, interrompit vivement la mère du prince, buvez le premier !

— Vous ne voulez boire ni l’un ni l’autre, eh bien, choisissez, s’écria Ly-Jou avec colère ! » Et il avait fait avancer les assassins qui tenaient des poignards et des cordons de soie blanche.

L’épouse du prince implorait à genoux le meurtrier : — « Laissez-moi plutôt vider cette coupe pour lui, disait-elle ; Tong-Tcho voudrait-il sans pitié faire périr la mère et le fils ! — Quoi ! répondit Ly-Jou, avec dureté, une femme comme vous mourir à la place d’un empereur ! » Et prenant la coupe, il la présenta de nouveau à Ho-Heou en disant : — « Buvez la première. »

À ces mots, la princesse se frappa le sein avec désespoir :