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Liu-Pou, leur chef, qu’un de ses amis vient le voir, et les soldats le font entrer sous la tente.

« Mon respectable frère cadet, vous vous êtes toujours bien porté ? » s’écrie Ly-Sou. Et comme à demi éveillé, Liu-Pou cherchait en vain à se rappeler les traits de l’étranger. « Qui êtes-vous donc ? » demanda-t-il enfin. — « Un ancien ami, un compatriote ; quoi, vous m’avez oublié !… je suis Ly-Sou.

— « Mon vénérable frère aîné, répond Liu-Pou en le saluant avec politesse, il y a si longtemps que nous ne nous sommes vus ! Et vous êtes maintenant ?… — Au service des Han, avec le grade de commandant d’une division dans les gardes du général. J’ai appris que mon jeune frère a mis son bras au service de l’Empire, et j’en ai ressenti une indicible joie. J’ai un cheval capable de faire cent milles par jour, qui traverse les fleuves, gravit les montagnes aussi facilement que s’il courait en plaine ; on le nomme le Lièvre-Rouge. Quant à moi, je n’ose monter un si rare animal, et je veux vous en faire cadeau afin qu’il rehausse encore votre allure martiale !

— « Amenez-le, dit aussitôt Liu-Pou, que je le voie. » En effet, c’est une bête superbe ; tout son corps est couleur de feu ; il a le poil pommelé, seulement par endroits ; haut de taille, remarquable par sa longueur, il hennit d’une manière terrible, on dirait qu’il va prendre son vol dans les airs et se précipiter au milieu des flots comme un dragon. Au comble de la joie, Liu-Pou remercie son compatriote. « C’est un dragon ailé que mon frère aîné me donne là ; comment pourrai-je lui en témoigner ma reconnaissance ?

— « Oh ! répond Ly-Sou, je le fais purement par amitié ; est-ce que j’attends une récompense ? « Liu-Pou fait venir du vin pour traiter son hôte ; ils se mettent à boire en causant. « Mon sage frère cadet, dit Ly-Sou, j’ai rarement le plaisir de vous voir, mais bien souvent je me rencontre avec votre respectable père ; n’allez pas lui parler de ce cheval. — Mais, mon frère, avez-vous trop bu ? — Non ; pourquoi cela ? — Parce que… parce que mon père est mort depuis longtemps, et vous disiez que… — Ah ! vous n’y êtes pas, reprit Ly-Sou ;