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cable d’injures. « L’Empire est en proie à de grandes calamités, lui crie-t-il. Les eunuques, maîtres du pouvoir, ont indignement foulé les peuples ; et toi, vice-roi d’une province du dehors, qui n’as pas acquis la moindre gloire en soutenant l’État, oses-tu bien t’arroger le droit de déposer et de nommer un empereur, mépriser les lois de l’Empire ! Va, tu n’es qu’un rebelle ! » Tong-Tcho ne répond rien ; Liu-Pou s’élance au galop et renverse tout sur son passage avec sa lance ; à la tête de ses troupes, Ting-Youen charge à son tour ; l’armée de l’usurpateur est en pleine déroute et fuit sans s’arrêter l’espace de trois milles.

Tong-Tcho alors délibère avec les siens sur les moyens de s’attacher Liu-Pou. « C’est un homme hors ligne, leur dit-il ; avec un pareil guerrier l’Empire est à moi ! — Et déjà un des officiers de sa suite flatte ses espérances ; il se charge d’aller enlever Liu-Pou au général qu’il sert ; il est du même pays que lui, il le connaît ; c’est un homme brave, mais sans règle de conduite bien arrêtée ; chez lui, l’intérêt l’emportera sur la fidélité ; qu’il ait seulement à lui faire quelque offre séduisante, et Liu-Pou se jettera dans son parti à bras ouverts. Cet avis dut plaire à Tong-Tcho ; l’homme qui le lui donnait, c’était Ly-Sou, commandant d’une division des gardes. Mais quel moyen emploiera-t-il pour arriver à son but ? Le voici : Tong-Tcho possède un cheval nommé le Lièvre-Rouge, capable de parcourir cent milles en un jour ; il faut qu’il le donne à Liu-Pou avec de l’or et des pierres précieuses. C’est là le présent capable de gagner son cœur, et de le porter à trahir le chef qu’il appelle son père !

« Qu’en pense Ly-Jou ? » demande Tong-Tcho. — « Que pour arriver à l’Empire, répond celui-ci, on ne doit pas regarder à un cheval ! »

Ces paroles décidèrent l’ambitieux partisan. L’animal, mille pièces d’or, des pierreries, une ceinture de jade, tels sont les présents que deux hommes conduisent et emportent sous la direction de Ly-Sou. Ils s’avancent vers le camp ; sur la route, des sentinelles les entourent ; Ly-Sou les prie d’aller avertir