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de perspicacité, et déjà éclairé par l’étude, était destiné à lui succéder : mon intention est donc de déposer Liéou-Pien, d’en faire un empereur honoraire (Hong-Nong-Wang) et de mettre sur le trône à sa place Tchin-Wang, afin qu’il soutienne l’éclat de la dynastie des Han : qu’en pensent les mandarins ? »

Et les mandarins, fort embarrassés, ne faisaient aucune réponse ; ils baissaient les yeux, et regardaient la terre. Cependant un d’entre eux s’élança de dessus son siège, et s’écria avec colère : « Non, non, il n’en sera pas ainsi ! Qui êtes-vous pour oser soulever une pareille question ? Vous traitez la dynastie des Han avec une arrogance sans exemple, comme si elle n’était plus rien ! Il n’a pas démérité, ce fils légitime de Ling-Ty, et vous voulez le faire descendre du trône ! Nous connaissons les ambitieux desseins que depuis longtemps vous nourrissez dans votre cœur ! et nous nous y prêterions ! »


II.[1]


Ces paroles avaient effrayé les mandarins ; Tong-Tcho regarde l’homme qui l’apostrophait ainsi et reconnaît le vice-roi du King-Tchéou, Ting-Youen, surnommé Kien-Yang : Ho-Tsin l’avait appelé dans le Lo-Yang avec ses troupes, et voilà pourquoi, fort de l’appui de ses soldats, il avait osé braver Tong-Tcho. Celui-ci, plein de rage, furieux de ce qu’au milieu du silence général des plus considérables mandarins de l’Empire, Ting-Youen eût osé faire une pareille sortie, avait tiré son sabre et voulait lui trancher la tête ; mais Ly-Jou, son affidé, l’arrêta, parce qu’il venait de distinguer parmi les gens de la suite de Ting-Youen un homme grand de taille, robuste de corps, exercé à tirer de l’arc et à manier les chevaux ; des sourcils élégants s’arrondissaient au-dessus de ses yeux. Né au pays de Kiéou-Youen (dans le Ou-Tchouen), ce montagnard se nommait Liu-Pou (son surnom Fong-Sien). Chef de police dans la province administrée par Ting-Youen, il s’était attaché

  1. Vol. I, liv. I, chapitre VI, p. 91 du texte chinois.