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Il se trouvait à la ferme un cheval maigre sur lequel on fit monter le jeune empereur ; l’officier prit en croupe Tchin-Wang, et ils avaient fait un quart de lieue à peine, quand ils rencontrèrent tous les grands dignitaires de l’armée[1], tous les grands mandarins suivis d’une centaine de cavaliers qui venaient en grande pompe au-devant de leur empereur. Princes et sujets, tous versaient des larmes ! Un exprès envoyé à la capitale y avait porté, avec la tête de l’eunuque Touan-Kouey, la nouvelle de l’arrivée du prince, et l’ordre d’équiper de bons chevaux sur lesquels les deux illustres frères firent leur entrée dans les murs.

Cependant, comme s’ils eussent prévu les désordres qui éclatèrent plus tard, des enfants de la capitale avaient répété cette chanson qui devint une prophétie : « Le prince n’est plus prince, l’empereur n’est plus empereur ; mille chars, dix mille chevaux galopent vers le mont Pé-Mang. »

Le cortège n’avait pas fait encore beaucoup de chemin, lorsqu’à sa rencontre s’élève un nuage de poussière à obscurcir le ciel, flottent des bannières qui voilent la lumière du jour et arrive en trottant une troupe de cavaliers ; les mandarins pâlissent, le petit empereur se trouble ; Youen-Chao sort des rangs pour demander qui ose ainsi barrer le passage au souverain. C’était Tong-Tcho ; au-dessus de sa tête se déroule l’étendard brodé, et il s’écrie en s’élançant vers le cortège : « Où est l’empereur ? » Dans sa frayeur le jeune monarque n’osait répondre ; les mandarins eux-mêmes restaient stupéfaits de tant d’audace. « Eh bien, dit enfin le petit prince Tchin-Wang avec une certaine fierté, en arrêtant son cheval devant ce hardi personnage, quel est cet homme ? — Je suis Tong-Tcho, répondit celui-ci, vice-roi du Sy-Liang. — Êtes-vous venu pour protéger la marche de l’empereur ou pour enlever sa personne ! — Pour protéger le cortège. — Eh bien, si vous dites vrai, voici

  1. C’étaient le commandant en chef de l’infanterie Wong-Yun ; le chef des gardes impériales Yong-Pieou ; les généraux de l’armée de droite, de l’armée de gauche et de l’armée du centre Yu-Kiong, Tchao-Mong et Youen-Chao, et le général de l’arrière-garde Pao-Sin.