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chèrent, et devant ce tas d’herbe il se trouvait une ferme. Le maître de cette ferme avait, cette même nuit, rêvé qu’il voyait deux soleils rouges s’abaisser derrière sa demeure ; tout agité, il s’habille à la hâte et sort ; derrière sa ferme, sur le monceau d’herbe, il voit en effet surgir une lumière ; plus troublé encore, il approche et découvre les deux petits princes endormis.

« Qui êtes-vous ? » leur demanda-t-il. Et le jeune empereur n’osait répondre. Mais Tchin-Wang dit : « Mon frère aîné que voici est l’auguste souverain de la grande dynastie des Han. Fuyant les scènes de désordre qu’ont causées les eunuques, nous nous sommes réfugiés ici tous les deux, cette nuit, pour échapper au danger. Des vers luisants nous ont montré la route et nous sommes arrivés en ce lieu. »

À ces mots le fermier ému de respect s’inclina et dit aux princes : « Votre sujet est Tsouy-Y (frère cadet de Tsouy-Lié, général de l’infanterie sous le défunt empereur) ; las de la tyrannie des dix eunuques qui vendaient les emplois et calomniaient les gens de bien, il est venu se retirer ici, et se livrer en paix aux travaux de l’agriculture. » Puis il conduisit l’empereur par la main jusqu’à sa ferme, et à genoux devant son jeune souverain, il lui offrit à boire et à manger.

Les petits princes se cachèrent donc dans la ferme. L’officier Min-Kong avait pu saisir l’eunuque Touan-Kouey, et il l’interrogeait en vain sur la route suivie par les princes. Kouey les ayant abandonnés dans le milieu de la nuit, était incapable de faire connaître le lieu de leur retraite ; Min-Kong, après avoir tué l’eunuque et suspendu sa tête au cou de son cheval, continuait de chercher le jeune empereur : il arriva jusqu’à la ferme pour y demander quelque nourriture. À la vue de cette tête sanglante, le maître du logis fit à l’officier des questions auxquelles celui-ci répondit en rendant compte des événements de la veille. Là-dessus le propriétaire de la ferme le conduisit près des illustres enfants ; le jeune souverain sanglotait, mais Min-Kong lui dit : « L’empire ne peut pas rester un seul jour sans empereur : daignez permettre que je ramène Votre Majesté dans la capitale. »