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même à votre conservation ! » Et il courut se noyer dans le fleuve, laissant ses jeunes maîtres muets et interdits. Celui dont la voix avait épouvanté l’eunuque, c’était un mandarin de la province de Ho-Nan, du nom de Min-Kong.

Qu’allaient devenir ces deux rejetons de la famille impériale ? ils l’ignoraient ; ils n’osaient parler haut, dans la crainte de se trahir. Les deux petits empereurs allèrent se blottir au bord du fleuve Ho, dans les grandes herbes. C’était le 24e jour du 8e mois de la 6e année Tchong-Ping que les eunuques avaient été massacrés dans la capitale.

[Année 190 de J.-C.] Les deux petits princes passèrent la nuit dans les herbes marécageuses, et les cavaliers envoyés de tous côtés pour les chercher ne purent découvrir le lieu de leur retraite. Vers la quatrième veille, l’humidité de la rosée ayant pénétré leurs vêtements, et la faim les pressant, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre et pleurèrent ; mais comme ils craignaient d’être découverts, ils étouffaient leurs sanglots. Les larmes coulaient silencieusement sur leurs joues comme des gouttes de pluie. Ce fut Tchin-Wang qui se décida le premier à sortir du milieu des herbes pour chercher une route.

« Nous ne pouvons rester plus longtemps ici, » dit-il à son frère. « Hélas ! répondit le petit empereur, il est bien difficile de trouver la route au milieu de la nuit ; qu’allons-nous devenir ! » Et tous deux, ayant lié ensemble le pan de leurs robes, pour ne pas se perdre dans l’obscurité, ils gravirent le bord escarpé du fleuve Ho. Mais partout le sol est couvert de buissons épineux ; aucune route ne se présente, et le petit empereur levait les yeux au ciel, en criant : « C’en est fait de moi ! »

Tout à coup des milliers de vers luisants brillèrent comme une lumière bienfaisante devant le petit empereur, et Tchin-Wang dit à son frère : « C’est le Ciel qui vient à notre secours ! » Conduits par ces feux, ils marchèrent se soutenant l’un l’autre. Peu à peu une route se montra plus distincte ; ils la suivirent jusqu’à la cinquième veille, mais leurs pieds étaient las, ils ne pouvaient aller plus loin. À côté de la montagne les deux enfants aperçurent un tas d’herbe sur lequel ils se cou-