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vous qui venez remplacer monsieur Spork ? (Eugène fait un signe de tête.) On vous a dit les conditions ? Six francs pour la journée. C’est un bon prix. Le patron tient absolument à ce qu’il y ait un interprète sérieux. Vous n’avez rien d’autre à faire qu’à rester ici et à attendre les étrangers. Vous avez compris ?

Eugène s’incline. La caissière sort à gauche.
EUGÈNE, au garçon, après avoir regardé tout autour de lui.

Est-ce qu’il vient beaucoup d’étrangers ici ?

LE GARÇON.

Comme ci comme ça. Ça dépend des saisons. Il vient pas mal d’Anglais.

EUGÈNE, inquiet.

Ah !… Est-ce qu’il en vient beaucoup en ce moment ?

LE GARÇON.

Pas trop en ce moment.

EUGÈNE, satisfait.

Ah !… Et pensez-vous qu’il en vienne aujourd’hui ?

LE GARÇON.

Je ne peux pas dire… Je vais vous donner votre casquette.

Il lui apporte une casquette avec l’inscription « interpreter ».
Exit le garçon.
EUGÈNE, lisant l’inscription.

In-ter-pre-terr !.. (Il met la casquette sur sa tête.) Voilà ! Je souhaite qu’il n’en vienne pas, d’Anglais ! Je ne sais pas un mot d’anglais, pas plus que d’allemand… d’italien, d’espagnol… de tous ces dialectes. C’est pourtant bien utile pour un interprète… Ça m’avait un peu fait hésiter pour accepter cette journée de remplacement. Mais dame ! je ne roule pas sur l’or. Je prends ce qui se trouve. Seulement je désire vivement qu’il ne vienne