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ALAIN.

La tête haute et quarante-deux francs. Maintenant nous n’avons pas encore la tête haute… Mais nous avons en notre possession dix mille quarante-deux francs. Je suis moins pressé de voir arriver Ronchaud. (Songeur.) Avec dix mille quarante-deux francs, on peut vivre largement, pendant quelques mois. Et sans dépenser follement cet argent, en vivant du peu que je gagne, quelle satisfaction, quelle tranquillité, d’avoir des billets de mille francs dans son armoire !

FRANCINE.

Puisqu’il faut que nous les donnions à Ronchaud.

ALAIN.

Oui, il le faut. Il va les mettre paisiblement dans sa poche et les emporter chez son banquier, et il ne nous saura aucun gré de les lui avoir donnés.

FRANCINE.

De les lui avoir rendus, veux-tu dire ?

ALAIN.

Rendus, si tu tiens au terme… Ça me fait mal au cœur, à moi, de les lui rendre… C’est si difficile à gagner, et il faut lâcher ça comme ça…

FRANCINE.

Mais puisqu’il le faut.

ALAIN.

Il le faut, il le faut… Enfin, qu’est-ce qu’il ferait, veux-tu me dire ce qu’il ferait, si je ne les lui donnais pas ? Il mettrait l’huissier à mes trousses. Eh bien ! on l’attendrait, l’huissier ! On pourrait l’attendre tranquillement, puisqu’on aurait toujours là de quoi arrêter les