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faux ami userait de ménagements, te répondrait d’une façon évasive. Peut être même irait-il jusqu’à te les prêter. Et tu te mettrais dans un embarras beaucoup plus sérieux, pour les lui rendre. Moi, je suis un vrai ami, et je te dis : Non !

ALAIN.

Je vous remercie. N’en parlons plus. Je verrai, je m’organiserai. Au fond, je ne suis pas trop en peine. Je trouverai toujours à m’arranger.

OMER.

Moi, je te dis ce qui est, n’est-ce pas ? J’ai besoin de tout mon argent. Et je n’en puis distraire un centime. C’est effrayant, sais-tu, ce que l’argent est difficile à trouver. Les affaires marchent, mais l’argent se cache. Il a peur. C’est bizarre, mais c’est comme ça. Le capitaliste tient à pouvoir se défendre. Il ne veut pas courir d’aventures… (Silence.) Il ne veut pas courir d’aventures… (silence.) Tu es sorti ce matin ?

ALAIN.

Non.

OMER.

Le temps n’est pas bon aujourd’hui.

ALAIN.

Le temps n’est pas bien bon.

OMER.

Il faut faire attention, tu sais, toi qui as toujours été sensible de la gorge. Vous entendez ? ma petite Francine, il faut qu’il fasse bien attention. Et moi donc ! Moi aussi je devrais me méfier. Je fume trop, et j’ai tort… (Fouillant dans sa poche.) Tiens ! j’ai un bon cigare pour toi.