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LA BARONNE.

C’est très courageux d’être venu, rien que pour me prévenir.

LE GENTLEMAN.

Oui… c’est même imprudent. Mais j’ai vingt-cinq ans. Si je ne fais pas de ces belles imprudences à vingt-cinq ans, à quel âge donc que j’en ferai ?… Ne suis-je pas gentilhomme ? Et ne sied-il pas qu’à notre époque de veulerie démocratique les gentilshommes donnent l’exemple des belles témérités. (Avec langueur.) Du panache… Du panache… (D’un ton simple.) Et puis la planche était achetée. Les hommes étaient commandés. Il fallait en profiter. D’autant plus que votre mari ne se doutera jamais que j’ai pu venir par ici… N’entendez-vous pas de bruit à la porte de la cour ?

LA BARONNE.

Si ! Sauvez-vous !

LE GENTLEMAN.

Fuyons ensemble !

LA BARONNE.

Vous m’effrayez ?

LE GENTLEMAN.

Je n’insiste pas… Je m’en vais… Un baiser… (Il l’embrasse.) Adieu… Tenez, voici une pièce de vers de cent cinquante vers, que j’ai fait faire pour vous, par mon plus jeune frère… Et puis, voici mon portrait… Un mouchoir de batiste taché de mon sang… Un gant… (Cherchant.)… J’avais aussi une fleur… Je l’avais mise dans cette poche-là.

LA BARONNE.

Allez, allez… Vous me la donnerez une autre fois… J’entends des pas dans l’escalier…