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vous êtes une personne que je sens inaccessible. (Désolé.) Moi, je ne suis rien pour vous. (Amer.) Vous me méprisez.

LÉA.

Mais non, je vous assure.

DOUBLET, avec une impatience un peu rageuse.

Ah ! pas de politesse ! pas de politesse ! vous me méprisez, je vous le dis. Répondez-moi simplement : Oui, je vous méprise.

LÉA.

Mais pas du tout. Vous me faites au contraire l’effet d’une nature un peu exaltée, mais très bonne… et assez noble.

DOUBLET, ardent.

Je le suis encore plus que vous le croyez ! Il n’y a pas d’homme qui ait plus que moi le respect des femmes ! Quand une femme me fait une impression, je suis d’une timidité terrible… Mais jamais, entendez-vous, je n’avais éprouvé un sentiment aussi violent que le sentiment… que je n’ai pas encore tout à fait… mais qui vient, qui vient avec une rapidité effrayante et délicieuse… Écoutez… Votre nom ?

LÉA.

Mademoiselle Adalbert.

DOUBLET.

Mais votre petit nom ? (Impatient.) C’est votre petit nom qu’il me faut maintenant !

LÉA.

Ce n’est pas la peine.

DOUBLET.

Je vais vous en donner un. Il faut que je vous en donne un. Écoutez, Juliette…