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LÉA.

Taisez-vous…

DOUBLET.

Ce n’est pas à vous que je parle ! Je me parle à moi. Je me parle de vous. (Plaidant avec chaleur.) Voilà une femme qui a consacré sa vie à l’étude pour arriver à défendre un jour, au moyen des textes et grâce à ses ressources oratoires, pour arriver à défendre le veuf et l’orpheline ! Cette femme a gardé dans la poussière des bibliothèques l’exquise sentimentalité féminine. Je suis sûr, — c’est une pure supposition, — que si un malheureux comme moi tournait un jour vers une personne comme vous, des yeux suppliants… vous l’écouteriez !

LÉA, gênée.

Je vous en prie, ne parlons pas de moi. Je suis votre avocat, je vais prendre quelques notes…

DOUBLET.

Oui, écrivez… écrivez que je vous trouve exquise !

LÉA, dignement.

Vous allez m’obliger à me retirer.

DOUBLET.

Pourquoi avez-vous choisi, vous autres femmes, la carrière d’avocat ? Pour l’exercer comme un homme ? ce n’est pas la peine ! Nous avons assez d’avocats ! Ce que nous vous demandons, ce n’est pas d’apporter dans nos prisons des qualités de juriste, mais le charme et le sourire féminins ! Et vous êtes capable d’une délicieuse pitié !

LÉA.

Ah ! non ! non ! Je n’irai pas jusque-là…

DOUBLET.

Je sais bien. Il ne s’agit ni de vous ni de moi. Vous,