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Prudhomme, tout venait en pleine lumière, et quand, par hasard, le sens d’une pièce entière était un peu enveloppe, chaque vers était encore en soi d’une impitoyable clarté. On trouvait aussi que cette imitation de la nature s’étendait, dans le passe comme dans le présent, à bien des objets dont l’intérêt était assez mince. Tout ce qui est arrive n’est pas nécessairement « poétique, » et tout ce qui existe ne mérite pas pour cela d’être éternisé par l’art. On se plaignait encore que, si les idées ne faisaient assurément pas défaut dans les chefs-d’œuvre du « Parnasse, » aucun d’eux ne se dépassât, pour ainsi dire, lui-même, ne fut comme l’enveloppe ou le voila de quelque chose de plus secret, de plus mystérieux, la forme extérieure de ce qui ne se voit ni ne se touche. En effet, il y a des « correspondances » entre le monde et nous ; toute sensation doit nous conduire à une idée ; et dans cette idée, nous devons retrouver quelque chose d’analogue à notre sensation. Sa réalité ne s’explique pas de soi, mais à la lumière d’une vérité qui est la raison des apparences ; et toute représentation qui n’en tient pas compte est par cela même incomplète, superficielle ou mutilée. C’est ce qu’avaient oublie les « Parnassiens » ; et le « Symbolisme » est sorti de la.

On ne le voit pas, à la vérité, très clairement dans l’œuvre de Paul Verlaine, lequel fut à tous égards un « irrégulier » dont l’émancipation n’a été qu’un retour à la liberté romantique, ou même plus que romantique, et qui doit bien moins sa réputation à la profondeur ou à l’ingéniosité de son symbolisme qu’au cynisme de ses « Confessions. » Ame faible et violente, ingénument perverse, capable tour à tour des pires sentiments et du repentir le plus sincère, ayant de Baudelaire et de Sainte-Beuve le goût du péché et celui du remords, « le pauvre Lelian » a fait de mauvais vers ; il en a fait de détestables ; il en a fait de singuliers et d’exquis ; son mérite est peut-être surtout d’en avoir fait d’impondérables, et chargés d’aussi peu de matière que le comporte le vers français. Stéphane Mallarmé, lui, en a fait surtout d’inintelligibles, de plus obscurs qu’aucun Lycophron n’en avait jamais faits avant lui. Mais comme il avait pourtant une âme de poète, comme il était aussi clair dans la conversation qu’obscur dans ses vers, comme il