Page:The London and Westminster Review, october 1837 - january 1838.djvu/540

Cette page n’a pas encore été corrigée

colonie. Mais qui est à l'origine de ces jalousies? Qui les a stimulées? Nous n'avons besoin que de citer lord Glenelg. Plus ingénu que lord John Russell, pour qui la conduite du gouvernement anglais, dès la première conquête, ne s'est présentée que sous un jour des plus favorables, le secrétaire colonial dit (nous citons des quotidiens) —

Il peut être dit de la constitution de 1791, depuis au moins les premières années de son histoire au Canada, qu'elle n'a jamais été administrée. Elle aurait été très avantageuse au peuple du Canada s'il elle l'eut été ; mais le gouvernement exécutif a pris le parti d'une race, contre l'autre — il a pris le parti de la race anglaise, au lieu d'être le juge et l'arbitre entre les deux. Tous les honneurs et les émoluments sont passés par le même canal, et les institutions populaires ont été, pour les Canadiens, détachées du gouvernement, et ils n'en ont tiré aucun avantage. Ceci fut fait tandis que le gouvernement, à toute fin pratique, usurpait les fonds de l'État. Ces fonds étaient aux mains des gouverneurs — des abus se sont introduits, et au fil du temps ils prévalurent à un point tel que plusieurs des Anglais s'unirent à la race française pour obtenir un redressement des griefs.[1]

Nous remémorant tout cela ; nous rappelant que ce n'est qu'hier que les Canadiens français ont été admis à prendre part aux honneurs et aux emplois publics de leur pays d'origine ; se rappelant que l'oligarchie locale, représentée par le Conseil, a fait l'impossible pour enflammer ces différences nationales qui permettent à ses membres d'associer leur cause avec celle des colons britanniques et même celle de la mère-patrie ; peut-on se demander si de telles animosités existent? Mais qui croira qu'elles sont la cause des mécontentements, ou que le Conseil s'est rendu désagréable envers les Français en soutenant les Anglais, lorsqu'on sait que le parti qui est opposé au Conseil est un parti composé de Français et d'Anglais, et que, « des membres du Parlement issus des townships, là où il n'y a aucune personne d'origine française, il s'en trouve presque autant qui votent avec le parti français dans l'Assemblée que contre eux? » Cette assertion est l'une de ces fausses déclarations, de ces calomnies osons-nous les nommer, auxquelles, en raison de leur distance et de l'ignorance populaire sur le sujet, les Canadiens sont beaucoup plus exposés encore que nous ne pouvons présentement observer ; et de bien d'autres déclarations pour lesquelles une réfutation pourrait être faite de façon entièrement concluante à partir des rapports des commissaires.[2]

  1. Grant, "Speech of 18 January", 1838, p. 2.
  2. Nous entendons, par exemple, dans tous les discours, et nous lisons dans tous les journaux, que les Canadiens sont une paysannerie ignorante, qui, trompée par leurs seigneurs et leurs avocats, se battent pour la conservation du système féodal. Quelques scribes ont même laissé échapper l'expression, « juridictions héritables », comme si une telle chose existait au Canada. Des défenseurs plus judicieux ont avancé que le parti était hostile au Canada Tenures Act [6 George IV, c. 59 (1825)] : une loi adoptée au Parlement afin de faciliter la conversion des tenures féodales en tenures de libre et commun socage, d'après la loi anglaise. Cependant les commissaires déclarent expressément que ce prétendu attachement aux mauvaises parties de la vieille loi française sur la propriété terrienne n'existe pas. « Nous croyons », disent-ils (General Report, p. 34 [PP, 1837, XXIV, 216]), « que la tendance dommageable à pénaliser lourdement les transferts de propriété, de même que les obstacles à sa libre transmission, commencent à être généralement admis, et qu'en réalité il y a moins de différences sur ce point qu'il n'apparaît à première vue ; de sorte que si les maux de la tenure féodale n'avaient malheureusement pas été saisis comme sujet de déclamation politique, et jetés parmi l'ensemble des objets de luttes partisanes, on y aurait probablement donné assez tôt un remède avec le consentement de tous. Dans les opinions qui sont présentement exprimées par les chefs Canadiens d'origine française, il n'y a aucun désir de perpétuer les parties onéreuses de la tenure, et le peuple a été encouragé, dans certains cas, à en représenter les inconvénients [auprès des autorités]. » Après avoir cité quelques cas, les commissaires disent qu'un comité de l'Assemblée en 1834 « a montré un sentiment très favorable à l'extinction, à des conditions raisonnables, des lourdeurs de la tenure seigneuriale » ; que sur l'autre point majeur, les inconvénients de la loi française sur l'hypothèque, la Chambre d'assemblée a exprimé « des opinions justes et libérales il y a plus de dix ans », [p. 224,] et que c'est l'état de distraction de la province, et non le désire « d'adhérer à des institutions qui ne sont plus adaptées à l'intelligence de notre époque » qui explique pourquoi un remède n'a pas encore été appliqué. Les objections de la Chambre d'assemblée à propos du Canada Tenures Act sont citées par les commissaires ; elles sont nombreuses et importantes : nous n'en mentionnons que deux ; qu'étant conçue dans l'ignorance des lois préexistantes, la loi déstabilise les titres et détruits les droits existants, et aussi, « qu'elle était très favorable au seigneur. » [pp. 216-17.] Si cette critique procédait d'un peuple trompé par ses seigneurs, cela en dit long sur l'esprit public et du sens de l'honneur des seigneurs. Les commissaires, après un examen complet, déclarent que toutes les objections sont valides ; et ils recommandent (ce qui a été voté au Parlement depuis) qu'aussitôt que la question de la compensation pour les droits créés par le Tenures Act sera arrangée avec la colonie, la loi devrait être abrogée, et la réforme de la loi sur la tenure des terres laissée au Parlement provincial. [pp. 217-20.] Le défaut que les Canadiens reprochent aux tenures anglaises, ne concerne pas les coutumes féodales qu'elles doivent remplacer, mais plutôt celles qu'elles introduisent. Selon la pratique habituelle des hommes qui dédaignent la « théorie », les législateurs anglais n'ont su trouver aucun autre moyen de se débarrasser d'institutions qu'ils supposaient mauvaises qu'en transplantant les leurs sans y apporter aucune modification. Ils n'ont pas été capables d'introduire, à la place des tenures féodales, l'entière et absolue propriété terrienne, qui est commune sous la loi anglaise, sans introduire également les modes de transfert de propriété anglais qui sont compliquées et dispendieux (ceux qui existaient d'après les coutumes française étant, d'après les commissaires, « simples, rapides, et peu dispendieux », [p. 214,]) et sans introduire l'institution féodale de la primogéniture. Or c'est une des propriétés de cette institution chère à l'aristocratie, qu'il n'y a personne qui ayant déjà connu autre chose arrive à la supporter. « Les personnes de toutes les origines sur ce continent » disent les commissaires, « préfèrent grandement la division égale qui existait en vertu de la loi française » ; et ce sentiment n'est nulle part aussi fort, disent-ils, que dans les townships, là où il n'y a pas un seul habitant français. [pp. 214-15.] Conséquemment, les commissaires recommandent que la manière française de transmettre la propriété soit restaurée, et que soient retranchée des tenures anglaises l'incidence de la primogéniture. Le public anglais apprendra-t-il de tout cela à quel point on a exagéré l'aversion des Canadiens français aux innovations dans leur organisation sociale, et le peu de crédit que l'on doit accorder, non pas seulement à la presse ministérielle, mais à Lord Glenelg, lorsqu'il accuse le parti populaire d'être un parti illibéral, une « oligarchie hostile au progrès — ennemie du commerce — attachée aux notions désuètes des temps anciens? »