Page:The London and Westminster Review, october 1837 - january 1838.djvu/520

Cette page n’a pas encore été corrigée

propre sur nos devoirs, aucun effort ni au service de nous-mêmes, ni au service d'autrui ? S'être débarrassé d'une illusion qui nous remplissait de torpeur et de lâcheté, et avoir acquis la confiance en soi qui nous rend forts et alertes est un bénéfice qui, dans les circonstances qui sont les nôtres, n'a pas de prix. Et quel que soit l'homme à qui nous le devons, c'est un bienfait qu'il nous apporte, et non une blessure qu'il nous inflige, aussi devrions-nous le remercier, au lieu de lui montrer les crocs.

La question la plus pressante, dans l'intérêt du moment, est celle qui consiste à se demander ce que doivent faire les parlementaires radicaux. Et par "radicaux", nous entendons ici : ceux qui ont foi en l'absolue nécessité de ce que Lord John Russell récuse à tout jamais : le vote à bulletin secret, avec ou sans extension du suffrage.[1]

Sur ce point, on peut se reporter aux opinions et aux sentiments que nous avons exposés très en détail dans le premier article du dernier numéro.[2] Il est à peine besoin de dire que dans cet article, nous ne faisions montre d'aucune hostilité vis-à-vis du gouvernement, d'aucune mauvaise foi à son égard, d'aucune réticence à lui tendre la main. Afin de tomber d'accord, afin d'agir de concert avec lui, nous sommes allés aussi loin que possible, nous avons renoncé à tout ce à quoi il était possible de renoncer sans trahir notre cause ou salir notre personne. Nous ne lui demandions qu'une seule chose : qu'il se rende service à lui-même. Tout ce que nous demandons pour qu'ils demeurent en poste, c'est qu'ils consentent à ce qu'on les y maintienne. Tout ce que nous demandons c'est qu'ils proposent le vote à bulletin secret dans ce Parlement où, les derniers, ils pourraient rester ministres sans lui. Non pour leurs mesures en elles-mêmes, dont aucune ne peut être menée à bien sans le consentement des Tories, mais pour l'Irlande – à laquelle les Radicaux anglais et écossais ont donné la priorité sur les autres intérêts de leur pays, quoiqu'on les accuse d'y être indifférents – ils ont soutenu des ministres jusqu'à ce que le vote à bulletin secret devienne question de vie ou de mort pour le maintien aux affaires de ces derniers, sur la base des principes qu'ils ont défendus jusqu'à ce jour. Or, c'est précisément ce moment-là que les ministres ont choisi pour se déclarer hostiles au vote à bulletin secret, avec un degré d'hostilité qu'ils n'avaient jamais exprimé jusque là. Aussi, c'est ce même moment qu'il nous faut choisir pour leur retirer notre soutien. Car ce n'est pas une question de peu d'importance ; ce n'est pas sur un point de détail que les ministres sont revenus. C'est l'indice, ou plutôt même l'aveu, d'un véritable changement de politique. Pas d'erreur possible. Les ministres savent aussi bien que nous que pour rester aux affaires, il leur faut soit soutenir le vote à bulletin secret, soit devenir Tories.

  1. John Russell, "Speech on the Address in Answer to the Queen’s Speech" (20 novembre, 1837), PD, 3rd ser., vol. 39, cols. 68-9. Nous observons qu'il y a des personnes qui commencent à dire qu'ils sont pour le vote à bulletin secret, mais qu'ils ne sont pas Radicaux pour autant. Nous nous souvenons de l'époque où l'appui au ballot était considéré comme la marque distinctive du Radicalisme, le test qui permettait de distinguer le Radical du Whig. Nous nous attendons à voir venir le jour où l'on trouvera des hommes appuyant le suffrage universel et désavouant le Radicalisme. Le genre humain ayant beaucoup plus peur des mots que des choses.
  2. John Stuart Mill, "Parties and the Ministry", London and Westminster Review, VI & XXVIII (octobre, 1837), 1-26 (pp. 381-404 ci-dessus).