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CHANSONS D’UN ANACHORÈTE


LA FIÈVRE


J’entends chanter dans mon cerveau
Les rivières de la quinine.


À midi, des frissons passèrent sur ma peau
Et ma chair a senti le grand froid de la fièvre.
Mes yeux brûlent, la soif me dessèche la lèvre.
Je cherche en mon hamac l’impossible repos…

Une étoile de sang brille. La nue est grise.
L’astre perce un trou d’or dans un arbre à pain noir.
La touffe d’un palmier que tourmente la brise,
Me semble une araignée immense au fond du soir…

Un lugubre ramier roucoule sous la lune ;
Et je songe soudain à la pire infortune.
Seigneur, faites cesser ce chant qui me fait peur.

La transpiration me délivre et, plus crâne,
J’entends les sourds marteaux du sang battre en mon crâne
Et galoper les chevaux ivres de mon cœur.