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que moi, et avait, en outre, disait-il, sept autres langues également à sa disposition ; car lorsque je citai le seul vers latin que je connusse, celui du poëte Homère, qui dit :

As in præsenti perfectum fumat in avi,

il se mit à me parler latin : sur quoi je fus forcé de lui dire que nous le prononcions différemment en Irlande, et me tirai ainsi d’affaire.

L’histoire de mon digne ami était curieuse, et elle peut être racontée ici pour montrer de quels éléments variés nos levées se composaient.

« Je suis, dit-il, Saxon de naissance ; mon père était pasteur du village de Pfannkuchen, où j’ai reçu les premiers rudiments de l’instruction. À seize ans (j’en ai maintenant vingt-trois), possédant les langues grecque et latine, ainsi que le français, l’anglais, l’arabe et l’hébreu, et ayant été mis en possession d’un legs de cent rixdalers, somme amplement suffisante pour défrayer mes études à l’université, j’allai à la fameuse académie de Gottingue, où je consacrai quatre ans aux sciences exactes et à la théologie. Je me donnai aussi les talents d’agrément que je pouvais me permettre, prenant un maître de danse à un groschen la leçon, des leçons d’escrime d’un Français, et suivant un cours de science équestre au manège d’un célèbre professeur de cavalerie. Mon opinion est qu’un homme doit savoir autant de choses qu’il peut, qu’il doit compléter le cercle de son expérience, et qu’une science étant aussi nécessaire qu’une autre, il lui convient, suivant sa capacité, de les acquérir toutes. Il est maintes branches de l’enseignement corporel (en tant que distingué du spirituel, quoique je ne sois pas en mesure de dire que la distinction soit exacte), pour lesquelles je confesse m’être trouvé peu de dispositions. J’essayai de la danse sur la corde avec un artiste bohémien qui venait à notre académie ; mais je ne réussis pas, m’étant déplorablement brisé le nez dans une chute que je fis. Je voulus aussi mener une voiture à quatre chevaux qu’un étudiant anglais, Herr Graff lord Von Martingale, conduisait à l’université. J’échouai également et renversai la voiture à la poterne, en face de la porte de Berlin, avec l’amie de Sa Seigneurie, Fräulein, Mlle Kitty Coddlins qui était dedans. Je donnais des leçons de langue allemande à ce jeune seigneur quand ledit accident eut lieu, et à la suite de cela je fus remercié. Mes moyens ne me permettaient pas de poursuivre davantage ce curriculum (vous me pardonnerez ce jeu de mots) ;