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et que bientôt la maison fut en flammes ; et malheur à l’infortuné qui, plus tard, revint chez lui pour retrouver sa maison et ses enfants !



CHAPITRE V.

Dans lequel Barry essaye de se tenir autant que possible
à distance de la gloire militaire.


Après la mort de mon protecteur, le capitaine Fagan, je suis forcé de confesser que je tombai dans le pire des genres de vie et de société. N’étant lui-même qu’un soldat de fortune, il n’avait jamais été un favori auprès des officiers de son régiment, qui avaient pour les Irlandais le mépris que les Anglais ont quelquefois, et avaient coutume de se moquer de son accent et de ses manières peu raffinées. J’avais été insolent avec un ou deux d’entre eux, et son intervention seule m’avait garanti du châtiment. Son successeur, M. Rawson, particulièrement, n’avait aucun penchant pour moi, et il nomma un autre au grade de sergent qui avait vaqué dans sa compagnie après la bataille de Minden. Cet acte d’injustice me rendit mon service très-désagréable, et au lieu de chercher à triompher des mauvaises dispositions de mes supérieurs, et de conquérir leur bienveillance par ma bonne conduite, je ne cherchai qu’à me rendre ma position plus douce, et saisis avec avidité toutes les occasions de m’amuser. Dans un pays étranger, avec l’ennemi devant nous, et les habitants continuellement mis à contribution d’un côté ou de l’autre, d’innombrables irrégularités étaient permises aux troupes, qui ne l’auraient pas été dans des temps plus paisibles. J’en vins, par degrés, à me mêler aux sergents et à partager leurs amusements ; boire et jouer étaient, je regrette de le dire, nos principaux passe-temps, et je pris si bien leurs habitudes que, quoique je n’eusse que dix-sept ans, j’étais leur maître à tous en fait de dérèglements effrontés ; et pourtant il en était parmi eux, je vous le promets, qui étaient bien avancés dans cette science. J’aurais été, pour sûr, aux mains du grand prévôt, si je fusse resté beaucoup plus longtemps dans l’armée ; mais il arriva un accident qui me fit sortir du service d’une façon assez singulière.