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mois ; je gagerais que ses cicatrices ne sont pas encore guéries. Il faut reprendre courage, mon garçon ; faites votre devoir, conduisez-vous en gentleman, et il ne vous arrivera rien de sérieux. » Et je sus plus tard que mon champion avait pris fort sévèrement à partie M. Fakenham pour cette menace, et avait dit que de pareils procédés seraient considérés par lui à l’avenir comme une insulte personnelle ; sur quoi le jeune enseigne était devenu civil pour le moment. Quant aux sergents, je dis à l’un d’eux que si quelqu’un me frappait, quel qu’il fût, ou quelle que fût la peine, j’aurais sa vie. Et vraiment il y avait dans mon langage un air de sincérité qui les convainquit tous ; et tant que je restai au service de l’Angleterre, aucun rotin ne toucha les épaules de Redmond Barry. Effectivement, j’étais dans un tel état d’irritation, que j’en avais tout à fait pris mon parti, et que j’étais sûr comme de mon existence d’entendre jouer ma marche funèbre. Quand je fus fait caporal, mes maux diminuèrent en partie ; je mangeais avec les sergents par faveur spéciale, et je leur payais à boire et perdais au jeu avec ces gredins l’argent que mon bon ami, M. Fagan, me fournissait avec ponctualité.

Notre régiment, qui était en quartier aux environs de Stade et de Lunebourg, reçut bientôt l’ordre de marcher au sud vers le Rhin, car la nouvelle arriva que notre grand général, le prince Ferdinand de Brunswick, avait été défait ; non, pas défait, mais il avait échoué dans son attaque contre les Français, sous les ordres du duc de Broglie, à Berghen, près de Francfort-sur-le-Mein, et avait été obligé de se replier ; à mesure que les alliés battaient en retraite, les Français se précipitaient en avant et faisaient une pointe hardie sur l’Électorat de notre gracieux monarque en Hanovre, menaçant de l’occuper comme ils avaient déjà fait quand d’Estrées avait battu le héros de Culloden, le vaillant duc de Cumberland, et lui avait fait signer la capitulation de Closter-Zeven. Une marche sur le Hanovre causait toujours une grande agitation dans l’auguste sein du roi d’Angleterre ; on nous envoya de nouvelles troupes et des convois d’argent pour nous et pour les soldats de notre allié le roi de Prusse ; et quoique, en dépit de toute assistance, l’armée commandée par le prince Ferdinand fût de beaucoup plus faible que celle des agresseurs, cependant nous avions l’avantage d’avoir de meilleurs approvisionnements, un des plus grands généraux du monde, et j’allais ajouter, l’avantage de la valeur britannique ; mais moins mous parlons de cela, mieux cela vaut. Milord Georges Sackville ne se couvrit pas précisément de lauriers à