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— Eh mais… je ne… donnez-moi du temps… je suis embarrassé… je… je ne sais quel parti prendre.

— Comme l’âne entre les deux boisseaux d’avoine, dit sèchement M. Fagan, et il y a de quoi se régaler de chaque côté. »



CHAPITRE II.

Dans lequel je me montre homme de cœur.


Durant cette dispute, ma cousine Nora fit la seule chose que puisse une femme en pareille circonstance : elle s’évanouit en forme. J’étais en pleine altercation avec Mick en ce moment ; sans quoi naturellement j’aurais volé à son secours ; mais le capitaine Fagan (c’était un gaillard assez sec que ce Fagan) m’en empêcha en disant : « Je vous conseille de laisser cette demoiselle à elle-même, master Redmond ; soyez sûr qu’elle reviendra à elle. » Et, en effet, elle ne tarda pas à le faire, ce qui m’a prouvé depuis que Fagan connaissait assez bien le monde, car dans la suite j’ai vu nombre de femmes reprendre leurs sens de la même manière. Quin ne fit pas mine de l’assister, vous pouvez le croire, car, au milieu de la diversion opérée par les cris qu’elle jeta, le fanfaron sans foi s’esquiva.

« À qui de nous deux le capitaine Quin doit-il avoir affaire ? » dis-je à Mick ; car c’était mon premier duel, et j’en étais aussi fier que d’un habit de velours galonné. « Est-ce à vous ou à moi, cousin Mick, que doit revenir l’honneur de châtier cet insolent Anglais ? » et je lui tendais la main en parlant, car mon cœur était entraîné vers mon cousin dans le triomphe du moment.

Mais il rejeta mon témoignage d’amitié. « Vous !… vous ! dit-il tout courroucé. Diable soit de vous, petit brouillon, vous êtes toujours à fourrer votre nez partout. Quel besoin aviez-vous de venir brailler et quereller ici avec un gentilhomme qui a quinze cents livres de rente ?

— Oh ! soupira Nora sur le banc de pierre, j’en mourrai ; je le sais bien. Jamais je ne quitterai cette place.

— Le capitaine n’est pas encore parti, » murmura Fagan ; sur quoi Nora, lui jetant un regard indigné, se leva en bondissant et prit le chemin du château.

« En même temps, continua Mick, quel besoin avez-