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tant à Hackton que dans Berkeley-square, et les plans aussi de Ballybarry-Castle, résidence patrimoniale de Barry Lyndon, Esq., avec les embellissements projetés, dans lesquels le château était représenté de la dimension à peu près de Windsor, avec plus d’ornements d’architecture ; et huit cents acres de tourbière se trouvant disponibles, je les achetai à raison de trois livres l’acre, en sorte que mon domaine sur la carte n’avait pas l’air de peu de chose[1]. Je m’arrangeai aussi dans d’année pour acheter les terres et mines de Polwellan dans le Corwall de sir John Trecothick, pour soixante-dix mille livres, marché imprudent, qui m’attira plus tard bien des discussions et des procès. Les ennuis de la propriété, la scélératesse des agents, les arguties des gens de loi, sont sans fin. Les petites gens nous envient, et s’imaginent que toute notre existence n’est que plaisir. Maintes fois, dans le cours de ma prospérité, j’ai soupiré après les jours de ma plus humble fortune, et envié les joyeux compagnons assis à ma table, n’ayant sur le dos que les habits que mon crédit leur procurait, sans une guinée que celle qui leur venait de ma poche, mais sans aucun de ces soucis et de ces responsabilités qui sont le douloureux apanage de la grandeur et de la fortune.

Je ne fis qu’une apparition et une prise de possession dans mes terres du royaume d’Irlande, récompensant généreusement les personnes qui avaient été bonnes pour moi dans mes jours d’adversité, et prenant la place qui m’était due dans l’aristocratie du pays. Mais, à vrai dire, le lieu avait peu d’attraits pour moi après avoir goûté des plaisirs plus distingués et plus complets de la vie anglaise et continentale, et nous passâmes nos étés à Buxton, à Bath, à Harrogate, tandis que Hackton-Castle s’embellissait de l’élégante manière que j’ai déjà décrite, et la saison de Londres dans notre hôtel de Berkeley-square.

C’est étonnant combien la richesse donne de vertus à un homme, ou, au moins, leur sert de vernis et de lustre, et en fait ressortir le brillant et le coloris d’une façon dont on n’avait pas d’idée quand l’individu était plongé dans la froide et

  1. Sur la foi de ce magnifique domaine, et sur sa parole d’honneur qu’il n’était point grevé d’hypothèques, M. Barry Lyndon, emprunta 17 000 livres, en 1786, du jeune capitaine Pigeon, le fils du négociant de la cité, qui venait d’entrer en jouissance de sa fortune. Quant aux terres et mines de Polwellan, cette cause de procès sans fin, il faut reconnaître que notre héros les acheta ; mais sur le prix d’achat il ne paya jamais que les premières 5 000 livres. De là le procès dont il se plaint, et la fameuse affaire en chancellerie de « Trecothick versus Lyndon, » dans laquelle M. John Scott se distingua beaucoup. — (Note de l’éditeur.)