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gneurie. Un bal et un souper magnifiques furent donnés à notre maison de Berkeley-square, et le lendemain j’eus un duc, quatre comtes, trois généraux, et une foule de gens des plus distingués de Londres, à mon lever. Walpole fit une satire sur le mariage, et Selwyn en fit des plaisanteries au Cacaotier. La vieille lady Tiptoff, quoiqu’elle l’eût recommandé, fut près de s’en mordre les doigts de dépit, et quant au jeune Bullingdon, qui était devenu un grand garçon de quatorze ans, lorsqu’il fut invité par la comtesse à embrasser son papa, il me montra le poing et dit : « Lui, mon père ! J’aimerais autant appeler papa un des laquais de Votre Seigneurie. »

Mais je pouvais rire de la fureur de l’enfant et de la vieille femme, et des plaisanteries des beaux esprits de Saint-James. J’envoyai un récit flambant de nos noces à ma mère et à mon oncle, le bon chevalier, et alors, arrivé au comble de la prospérité, et m’étant, à l’âge de trente ans, par mon propre mérite et mon énergie, élevé à une des plus hautes positions sociales qu’aucun homme pût occuper en Angleterre, je résolus d’en jouir, comme il convenait à un homme de qualité, le reste de mes jours.

Après que nous eûmes reçu les félicitations de nos amis de Londres, car, à cette époque, les gens n’étaient pas honteux d’être mariés, comme ils le paraissent maintenant, Honoria et moi (elle était toute complaisance, et une très-belle, vive et agréable compagne), nous allâmes visiter nos propriétés dans l’ouest de l’Angleterre, où je n’avais jamais encore mis le pied. Nous quittâmes Londres dans trois voitures, chacune à quatre chevaux, et mon oncle aurait été bien aise s’il avait pu voir sur leurs panneaux la couronne d’Irlande et l’ancien écusson des Barry à côté de la couronne de la comtesse et du noble cimier de la noble famille de Lyndon.

Avant de quitter Londres, j’obtins de Sa Majesté la gracieuse permission d’ajouter à mon nom celui de ma charmante lady, et pris désormais les nom et titre de Barry Lyndon, comme je l’ai écrit dans cette autobiographie.