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Cela devint une plaisanterie habituelle ensuite quand j’eus conté l’histoire ; et chez White ou au Cacaotier, vous auriez entendu les élégants dire : « Garçon, apportez une des rimes à Aristotle du capitaine Barry ! » Une fois, comme j’étais en train dans ce dernier endroit, le jeune Dick Sheridan m’appela un grand Stagyrite, plaisanterie que je n’ai jamais pu comprendre. Mais je m’écarte de mon histoire, et il faut que je revienne à la maison et à la chère vieille Irlande.

J’ai fait depuis connaissance avec les gens les plus huppés du pays, et mes manières, comme je l’ai dit, sont telles que je puis aller de pair avec eux tous ; peut-être vous étonnerez-vous qu’un petit campagnard, comme je l’étais, élevé parmi les squires irlandais et leurs inférieurs de l’écurie, et de la ferme, en soit arrivé à avoir des manières aussi élégantes qu’on m’en reconnaît sans contestation. Le fait est que j’eus un précieux instituteur en la personne d’un vieux garde-chasse, qui avait servi le roi de France à Fontenoy, et qui m’enseigna les danses et les coutumes, et une teinture de la langue de ce pays, tout en m’apprenant à manier l’épée et le sabre. Que de milles j’ai faits à son côté, dans ma jeunesse, l’écoutant me raconter de merveilleuses histoires du roi de France et de la brigade irlandaise, et du maréchal de Saxe, et des danseurs de l’Opéra ! Il avait connu aussi mon oncle, le chevalier Borgne, et avait, en vérité, mille talents qu’il m’enseigna en secret. Je n’ai jamais connu d’homme comme lui, pour faire ou lancer une mouche, pour médicamenter un cheval, ou le dresser, ou le choisir ; il m’apprit toutes sortes de mâles exercices, à commencer par celui de dénicher les oiseaux, et je considérerai toujours Phil Purcell comme le meilleur des précepteurs que j’aie pu avoir. Son défaut était de boire ; mais, là-dessus, j’ai toujours fermé un œil ; et il détestait mon cousin Mick comme du poison, mais je pouvais aussi lui pardonner cela.

Grâce à Phil, à l’âge de quinze ans j’étais plus accompli qu’aucun de mes cousins ; et je crois que la nature, aussi, avait été plus généreuse envers moi, sous le rapport de l’extérieur. Quelques-unes des filles du château de Brady (comme il vous sera dit présentement) m’adoraient. Aux foires et aux courses, plusieurs des jolies fillettes présentes disaient qu’elles aimeraient à m’avoir pour galant ; et cependant, de façon ou d’autre, il faut en convenir, je n’étais point populaire.

En premier lieu, chacun savait que j’étais terriblement pauvre ; et je crois que c’était peut-être la faute de ma bonne mère, si j’étais, aussi, terriblement orgueilleux. J’avais l’habitude de