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reux ou non. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’une femme d’un si pauvre esprit ne méritait pas une grande somme de plaisir.

Le duc régnant de X… se maria lui-même quatre ans après la mort de sa femme, et Geldern, quoiqu’il ne fût plus ministre de la police, bâtit la grande maison dont Mme de Liliengarten a parlé. Que devinrent les acteurs secondaires de cette grande tragédie ? Dieu le sait. Seulement M. de Strasbourg fut rendu à ses fonctions. Quant au reste, le juif, la femme de chambre, l’espion de Magny, je ne sais rien d’eux. Ces instruments tranchants, dont les grands se servent pour se frayer leurs voies, se brisent généralement à l’user ; et je n’ai jamais ouï dire que ceux qui les ont employés aient beaucoup de regret de leur perte.



CHAPITRE XIII.

Je continue mon métier d’homme à la mode.


Je me trouve avoir déjà rempli bien des vingtaines de pages, et cependant il me reste encore à raconter une bonne partie de ce qu’il y a de plus intéressant dans mon histoire, à savoir mon séjour dans les royaumes d’Angleterre et d’Irlande, et le grand rôle que j’y jouai, frayant avec les plus illustres du pays, et moi-même n’étant pas le moins distingué de ce brillant cercle. Afin donc de rendre justice à cette portion de mes Mémoires, qui a plus d’importance que n’en sauraient avoir mes aventures à l’étranger (quoique celles-ci pussent me fournir des volumes de descriptions intéressantes), j’abrégerai la relation de mes voyages en Europe et de mes succès dans les cours du continent, et je parlerai de ce qui m’arriva dans mon pays. Qu’il suffise de dire qu’il n’est pas de capitale en Europe, excepté cette misérable ville de Berlin, où le jeune chevalier de Balibari n’ait été connu et admiré, et où il n’ait fait parler de lui parmi les braves, les grands seigneurs et les belles. À Pétersbourg, au palais d’hiver, j’ai gagné à Potemkin quatre-vingt mille roubles, que ce gredin de favori ne m’a jamais payés ; j’ai eu l’honneur de voir S. A. R. le chevalier Charles-Édouard, aussi ivre qu’aucun portefaix de Rome ; mon oncle a joué plusieurs parties de billard contre le célèbre lord C…, à Spa, et, je vous le promets, il n’en est pas sorti vaincu. Le fait est que, grâce à