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dans les murs de la partie moderne du palais, et aboutissait effectivement à la vieille tour du Hibou, comme on l’appelait, sur le mur extérieur ; la tour fut abattue ensuite, et pour cause.

« À un certain endroit, la chandelle que portait la femme de chambre s’éteignit, et la princesse aurait crié d’effroi, mais on lui saisit la main, et une voix lui fit : « Chut ! » et l’instant d’après un homme masqué (c’était le duc lui-même) accourut, la bâillonna avec un mouchoir ; on lui lia les mains et les jambes, et elle fut portée, toute pâmée de terreur, dans un souterrain où une personne qui l’attendait la mit dans un fauteuil et l’y attacha. Le même masque qui l’avait bâillonnée vint, lui mit le cou à nu et dit : « Il vaut mieux le faire maintenant qu’elle est évanouie ! »

« Peut-être eût-ce été aussi bien, car lorsqu’elle revint à elle et que son confesseur, qui était présent, s’avança et tâcha de la préparer au traitement terrible qu’on allait lui faire subir, et à l’état dans lequel elle allait entrer, elle ne songea qu’à jeter des cris comme une maniaque, à maudire le duc, ce boucher, ce tyran, et à appeler Magny, son cher Magny !

« À cela le duc dit avec le plus grand calme : « Que Dieu ait pitié de son âme coupable ! » Puis il se mit à genoux, ainsi que le confesseur et Geldern, qui était là ; et, quand Son Altesse laissa tomber son mouchoir, Weissenborn tomba évanoui, tandis que M. de Strasbourg, prenant Olivia par les cheveux de derrière, séparait cette tête qui criait, de son misérable corps de pécheresse. Que le ciel ait pitié de son âme ! »

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Telle fut l’histoire racontée par Mme de Liliengarten, et le lecteur en extraira sans peine la partie dont nous fûmes affectés, mon oncle et moi, qui, après six semaines d’arrestation, avions été mis en liberté, mais avec l’ordre de quitter immédiatement le duché, et même avec une escorte de dragons pour nous conduire à la frontière. Ce que nous avions de propriétés, il nous fut permis de le vendre et de le réaliser en argent, mais aucune dette de jeu ne nous fut payée, et ce fut fait de toutes mes espérances de mariage avec la comtesse Ida.

Quand le duc Victor monta sur le trône, ce qu’il fit lorsque, six mois après, une apoplexie emporta le vieux souverain son père, tous les bons vieux usages de X… furent abandonnés, le jeu défendu ; on fit faire à l’opéra et au ballet mi-tour à droite, et les régiments que le vieux duc avait vendus furent rappelés du service étranger ; avec eux arriva le famélique cousin de ma comtesse, l’enseigne, et il l’épousa. Je ne sais s’ils furent heu-