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il y a cinq ans, et c’est ce qui m’engage à l’envoyer chercher dans la circonstance présente). Vous ferez attendre votre voiture à sa porte la nuit, et vous et votre camarade, vous entrerez masqués dans sa maison, et lui présenterez une bourse de cent louis, en lui promettant le double de cette somme au retour de son expédition. S’il refuse, vous devrez employer la violence pour le forcer de vous suivre. Vous le ferez monter dans la voiture, dont les stores seront baissés, l’un ou l’autre de vous ne le perdant pas de vue de toute la route, et le menaçant de mort s’il se fait voir ou s’il crie. Vous le logerez ici, dans la vieille tour, où une chambre sera préparée pour lui ; et, sa besogne faite, vous le ramènerez chez lui avec la même promptitude et le même secret. »

« Tels furent les ordres mystérieux que le prince Victor donna à son page ; et Weissenborn, choisissant pour auxiliaire le lieutenant Bartenstein, partit pour son étrange expédition.

« Pendant tout ce temps-là, il régnait au palais un silence de deuil ; les bulletins de la Gazette de la Cour annonçaient la continuation de la maladie de la princesse ; et quoiqu’elle n’eût que peu de monde autour d’elle, il circulait des histoires singulières et circonstanciées sur le progrès de son mal. Elle était tout à fait égarée. Elle avait essayé de se tuer. Elle s’était imaginé être je ne sais combien de personnes. Des exprès avaient été envoyés à sa famille pour l’informer de son état, et des courriers dépêchés ostensiblement à Vienne et à Paris pour se procurer des médecins habiles à traiter les maladies du cerveau. Cette prétendue anxiété n’était qu’une feinte : jamais l’intention n’avait été que la princesse se rétablît.

« Le jour où Weissenborn et Bartenstein revinrent de leur expédition, on annonça que S. A. la princesse était beaucoup plus mal ; le soir, le bruit courut par la ville qu’elle était à l’agonie ; et ce soir-là, l’infortunée créature essayait de s’évader.

« Elle avait une confiance illimitée dans la femme de chambre française qui la servait, et ce fut entre elle et cette femme que ce plan d’évasion fut combiné. La princesse mit ses joyaux dans une cassette ; on lui avait découvert une porte secrète qui, de l’une de ses chambres, conduisait, disait-on, à la porte extérieure du palais ; et il lui fut remis une lettre, soi-disant du duc son beau-père, annonçant qu’on lui avait procuré une voiture et des chevaux qui la mèneraient à B…, endroit où elle pourrait communiquer avec sa famille et être en sûreté.

« L’infortunée, se fiant à la Française, partit pour cette expédition. Le passage dans lequel elle s’était engagée était pratiqué