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fais aucun doute que son intention ne fût de la confiner là, comme on a fait de la malheureuse sœur de Sa Majesté Britannique à Zell.

« Elle fit demander à plusieurs reprises une entrevue à Son Altesse, qui la refusa, disant qu’il entrerait en communication avec la princesse lorsqu’elle serait suffisamment rétablie. À une de ses lettres irritées, il envoya pour réponse un paquet qui, lorsqu’il fut ouvert, se trouva contenir l’émeraude qui avait été le pivot de cette sombre intrigue.

« La princesse, cette fois, devint tout à fait frénétique, jura en présence de toutes ses dames qu’une mèche de cheveux de son cher Maxime lui était plus précieuse que tous les joyaux du monde, sonna pour avoir sa voiture, et dit qu’elle voulait aller baiser la tombe du chevalier ; proclama l’innocence de ce martyr, et appela la punition du ciel et le ressentiment de sa famille sur l’assassin. Le prince, en apprenant ces discours (ils lui furent tous rapportés, comme de raison), lança, dit-on, un de ses terribles regards que je me rappelle encore, et dit : « Cela ne peut pas durer plus longtemps. »

« Toute cette journée et la suivante, la princesse Olivia les passa à dicter les lettres les plus passionnées au prince son père, aux rois de France, de Naples et d’Espagne, ses parents, et à toutes les autres branches de sa famille, les adjurant dans les termes les plus incohérents de la protéger contre son boucher, son assassin de mari, l’accablant lui-même des plus sanglants reproches, et en même temps confessant son amour pour celui qu’il avait assassiné. Ce fut en vain que les dames qui lui étaient fidèles lui représentèrent l’inutilité de ces lettres et la dangereuse folie des aveux qu’elle y faisait ; elle insista pour les écrire, et elle les donnait à sa seconde dame d’atours, une Française (Son Altesse affectionna toujours les personnes de cette nation), laquelle avait la clef de sa cassette, et portait chacune de ces épîtres à Geldern.

« Sauf qu’elle n’avait pas de réceptions publiques, il n’y avait rien de changé au cérémonial de la maison de la princesse. Ses dames faisaient auprès d’elle leur service comme à l’ordinaire. Mais les seuls hommes admis étaient ses domestiques, son médecin et son chapelain ; et un jour qu’elle voulait aller dans le jardin, un heiduque, qui gardait la porte, annonça à Son Altesse que les ordres du prince étaient qu’elle restât dans ses appartements.

« Ils donnent, comme vous vous rappelez, sur le perron de l’escalier de marbre de Schloss-X…, et l’entrée de ceux du prince Victor est en face sur le même perron. L’espace est